Trio pédagogique
Mis à jour le 12.05.22
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Portrait de 3 PE, militantes pédagogiques du collectif
À Saint-Denis, une triplette de militantes pédagogiques fait (ou faisait ?) du collectif un appui professionnel incontournable.
« Cette année-là, nous avions travaillé sur la véritable histoire des sorcières du Moyen Âge, sous la forme d’écritures théâtrales et de slams, en partenariat avec des artistes », témoigne Elsa avec une certaine exaltation. En réalité, cette année 2018 est un exemple d’une série vigoureuse de projets culturels menés conjointement, à tour de rôle, ou avec d’autres collègues, par Elsa Rosseto, Irène Delalondre et Lorène Lafuente. Ces trois enseignantes de l’école Pasteur à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) estiment, en effet, que l’aspect artistique permet d’associer une ouverture sur le monde, une exigence dans les compétences visées, une mise en lumière des enfants et un moyen de bousculer des normes ou classements implicites. Lettres d’amitié, sérigraphies, fresque, slams, enregistrement en studio d’une chanson, comédie musicale, théâtre, danse, court-métrages… les déclinaisons d’activités artistiques au fil des ans viennent appuyer des projets autour de l’égalité filles-garçons. Ce qui est frappant quand le trio témoigne de ces souvenirs, c’est la fierté du métier qui transparaît. Qu’il s’agisse du travail avec les intervenant•es ou entre collègues, la réflexion et le partage est un élément d’appui et de satisfaction enthousiaste. Toutes trois arrivées successivement en première année de titularisation sur cette école de REP +, elles relatent un conseil des maîtres et maîtresses vivant qui permet de « se faire confiance » tout en prenant de « petites claques pédagogiques ». « Quand il y a un souci avec des enfants qui explosent, on tente de résoudre collectivement les situations de violences », explique Lorène. « C’est comme un cocon sécurisant pour faire face aux diverses difficultés, précise Elsa. Une cohésion d’équipe, un cadre d’école qui permettent de construire l’autorité de tous les adultes ».
Mutées d'office
Irène complète la liste des constructions communes : évaluations, programmations, supports, outils sont interrogés lors de « disputes » professionnelles. Les propositions de collègues peuvent ainsi être expérimentées, « sans être imposées, dans le respect des libertés de chacune », précise Lorène. Ainsi, les méthodes Picot ou euristique sont mises à l’épreuve de la réalité de la classe ou des pratiques personnelles et donc parfois adaptées ou abandonnées. Le matériel aussi est partagé… « Sauf le café ! ». Les trois enseignantes notent aussi l’intérêt du travail en binôme, que ce soit grâce au « Plus de maîtres que de classes » ou au dédoublement, qui permettent « de réajuster les exigences ».
Pour elles, le collectif de travail a été une nécessité dans cette école où on arrive avec un barème de sortantes d’INSPE. Il a permis de stabiliser l’équipe et donc de créer des cohérences de cycles et de complémentarité de réflexions. « C’est un lieu où on a grandi ensemble, explique Elsa. On est passé de nos vingt à nos trente ans en se formant entre pairs ». Avec une douloureuse nostalgie puisqu’elles sont toutes trois mutées d’office, en cours d’année, avec trois autres collègues, par une décision du DASEN en lieu et place d’une protection demandée suite à des propos diffamatoires sur des réseaux d’extrême droite de leur ancienne directrice. Une décision inique et scandaleuse que le SNUipp-FSU dénonce. « C’était très émouvant cette mobilisation le 20 avril devant le ministère », confient-elles, « en particulier la présence des familles à Paris. C’est une reconnaissance du travail collectif que nous avons mis en place sur l’école. »