Un, deux, trois : tweetez !
Mis à jour le 08.12.21
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Reportage à Terrasson-Lavilledieu : le tweet est une fenêtre sur le monde pour les élèves
Dans une école REP de Terrasson-Lavilledieu en Dordogne, Christelle Renoux utilise Twitter pour ouvrir à ses élèves de CM2 une fenêtre sur le monde.
Petite ville de Dordogne au riche patrimoine historique, Terrasson-Lavilledieu avec ses 7 000 habitants compte également une école en REP. Depuis 2020, les élèves de CM2 de Christelle Renoux à l’école élémentaire Jacques Prévert sont non seulement autorisés mais encouragés à tweeter. Un usage du réseau social au quotidien que justifie ainsi l’enseignante : « Pour moi, le numérique est un bon support pour travailler ensemble, il est au service de la coopération ». Du côté des apprentissages, c’est aussi, selon elle, un « très bon outil » pour les élèves d’éducation prioritaire. Avant de se lancer, il a fallu prendre le temps de définir les usages et les comportements à adopter. « En fait, c’est une sensibilisation aux risques et dangers des réseaux sociaux qui relèvent de l’Éducation morale et civique. Déjà, je leur explique que parce qu’ils ont moins de 13 ans, ils n’ont pas le droit d’ouvrir un compte », développe Christelle. Pour sécuriser les élèves et leurs familles, une charte a été élaborée pour poser des garde-fous. Elle est affichée dans la classe et signée individuellement par chaque élève.
Les tweets sont tous visés par la maîtresse pour vérifier qu’ils ne comportent pas d’éléments inappropriés. La classe a aussi travaillé sur le droit à l’image et un travail spécifique est fait chaque fois que des photos sont diffusées. « J’explique aux parents que c’est une initiation à des objets auxquels leurs enfants sont ou seront probablement confrontés », insiste-t-elle.
Ouverture sur le monde
Chaque vendredi, c’est l’heure de « QuotiTweet ». Ce dispositif est ouvert aux élèves des cycles 1 à 4, via les « twittclasses ». Le système fonctionne sur le principe « trois balises, trois élèves ». Les « balises » concernent le français et les maths, la troisième étant libre. Les « balises » changent avec les périodes. « Pour la période 1, pour le français nous avions la balise « dans mon école » qui permet aux élèves de décrire des aspects de leur école ». La contrainte des 280 caractères de Twitter fait écho à la « phrase du jour » également pratiquée en classe. « Ici, la contrainte est productrice d’un travail sur la concision, la précision du vocabulaire, la synthèse », remarque Christelle Renoux. Tour à tour, les élèves sont appelés à tweeter. Mais à qui ? C’est un des intérêts du dispositif : trois élèves par jour s’adressent à une classe partenaire. « C’est une ouverture sur le monde francophone notamment, explique la maîtresse. Ainsi, on a pu échanger avec des classes béninoises ou suisses ».
Poser et résoudre des problèmes
En mathématiques, avec le « devinombre », les enfants doivent imaginer une énigme mathématique pour découvrir un nombre caché qui permet notamment de travailler la décomposition des nombres, additive et multiplicative. L’élaboration est individuelle. Ce vendredi, l’énigme envoyée à la classe binôme était de calculer 330, le nombre cible, grâce aux nombres 2, 5, 10, 25 et 75. Deux solutions sont trouvées et retweetées. Toute la classe est félicitée. « Nous n’avions pas pensé à la deuxième solution », réagissent les correspondants. À leur tour, ce sont les élèves du CM2 de Christelle Renoux qui sont interrogés par leurs correspondant•es. Ils ont 30 secondes pour découvrir le nombre caché derrière la décomposition numérique proposée par la classe qui a tweeté. Les élèves cherchent individuellement sur leurs ardoises. Après un échange pour justifier les réponses et corriger les erreurs, la réponse collective est envoyée. Réponse juste : « On est trop forts ! » s’exclament les élèves. Pour les « devinombres », les erreurs ne sont pas toujours corrigées en amont par les adultes. Les corrections procèdent du dialogue entre les élèves, d’un dialogue distancié et exigeant une argumentation serrée. L’an dernier, 45 classes comprenant 956 élèves répartis sur 3 continents et dans 5 pays (France, Belgique, Bénin, Canada, États-Unis) ont participé à « QuotiTweet ». Sur les rives de la Vézère, « QuotiTweet » apporte des situations de communication réelles, permettant d’ancrer les apprentissages, de réinvestir les notions, produire pour répondre, écrire et être lu. Des situations de communication qui renforcent la motivation des élèves. « La première fois que les enfants appuient sur le bouton bleu, ils sont aussi surpris de l’immédiateté. ils sont vraiment heureux et très fiers » conclut Christelle Renoux.
BRUNO DEVAUCHELLE est professeur associé à l’Université de Poitiers, auteur de « Éduquer avec le numérique », ESF 2019
Pourquoi le numérique est-il devenu incontournable dans les classes ?
Aujourd’hui, l’école a la responsabilité éducative de ne pas abandonner les enfants face à l’inéluctable développement du numérique dans la société. Le service public doit permettre aux jeunes de maîtriser l’évolution de la société et non de s’y adapter.
Le numérique développe-t-il la motivation des élèves ?
C’est difficile de répondre. La première impression que l’on a, c’est que la motivation est plutôt extrinsèque. Je ne pense pas qu’il y ait de lien entre la culture numérique des jeunes et leur motivation dans des apprentissages mettant en jeu le numérique. Il y a une séparation entre l’usage scolaire et l’usage personnel. Je pense donc que le numérique ne développe pas une motivation intrinsèque pour les apprentissages.
Quelles conditions pour favoriser les apprentissages ?
Ma conviction est que le numérique doit avoir une place ordinaire dans la classe, mais une place réelle. Ce ne doit pas être un objet exceptionnel. Les meilleures conditions de l’usage du numérique dans la classe apparais - sent quand les moyens numériques sont présents, comme tous les autres cahiers, crayons, etc. Évidemment, ça suppose des équipements, y compris individuels. L’élève ne doit pas être en permanence dans l’utilisation du numérique mais y avoir recours au moment où le besoin se fait sentir.