Une transition en douceur
Mis à jour le 10.05.22
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La classe passerelle accueille des deux ans pour un passage apaisé à leur vie d’élève.
À Pézenas dans l’Hérault, la classe passerelle accueille des enfants de deux ans pour un passage apaisé à leur vie d’élève.
Un grand cornet de glace vanille/framboise en papier mâché trône dans l’entrée de l’école maternelle Boby La-pointe, hommage des bambins au poète né il y a 100 ans dans leur petite ville. Cette école de quatre classes abrite la classe passerelle de Pézenas, dispositif qui permet de faire une transition en douceur entre la maison ou la crèche et l’école. « L’inscription peut se faire à partir de l’âge de deux ans, explique Isabelle Jarrige, l’enseignante. La classe qui est accessible à tous les enfants, selon les disponibilités et sur proposition d’un comité technique (école-crèche-PMI), est une classe à flux ». Seize enfants sont accueillis en même temps, de manière progressive, soit une trentaine sur l’année scolaire. « Quand ils sont prêts, ils intègrent une petite section de maternelle ».
La classe passerelle est le fruit du partenariat entre l’Éducation nationale, la ville de Pézenas, le centre intercommunal d’action sociale (CIAS), le conseil départemental de l’Hérault (PMI), l’association « Les Amis de l’Enfance» et les parents. Elle est gratuite et n’est pas conditionnée à l’exercice professionnel des parents.
De la souplesse
« Elle a été créée en 2000, explique Françoise Morel, directrice du groupe scolaire, et vise la mixité sociale ». La petite ville de 8 000 âmes accueille en son centre des familles modestes et divers publics que l’ensemble des professionnels s’attache à réconcilier avec l’école, en particulier la communauté gitane sédentarisée. Un projet de lutte contre l’absentéisme, la scolarisation trop tardive et l’échec scolaire porté par l’ensemble des collègues de l’école, support de formation et de recherches de LIRDEF, Laboratoire interdisciplinaire de recherche en didactique, éducation et formation, à la faculté d’éducation de l’université de Montpellier. Les PEMF, comme Isabelle ou Françoise, reçoivent de nombreux stagiaires. « Les élèves sont accueillis à leur rythme et en fonction des besoins des familles. Nous accompagnons ensemble ceux qui sont presque « prêts » et vont passer un moment en petite section, raconte l’enseignante. L’école devient peu à peu un lieu sécurisant et connu. On adapte la matinée aux besoins de l’enfant, à sa fatigabilité. Les parents viennent souvent au début pour dédramatiser la séparation… La matinée s’égrène avec souplesse. Les enfants utilisent la classe comme ils le veulent entre exploration, manipulation et partage. Les adultes accompagnent des activités plus cadrées autour de thématiques. Les apprentissages scolaires, à travers le jeu, visent beaucoup à développer la motricité et le langage ».
Créer du lien
Dans la classe passerelle, l’enseignante n’est pas seule. Elle peut compter sur un professionnel petite enfance, généralement une éducatrice de jeunes enfants (EJE) et une Atsem. À Pézenas, il y a deux Atsem, dans l’attente de l’embauche d’une EJE. Si chacune a son champ de compétences, elles travaillent ensemble et s’enrichissent des échanges professionnels. L’association « Les Amis de l’Enfance », financée par la CAF, le Département et la mairie, soutient le projet depuis son ouverture. Le partenariat financier sur des actions artistiques, spectacles ou achats de livres s’est peu à peu transformé en une solide collaboration. « Nous visons à améliorer les conditions d’accueil des enfants et des parents à l’école maternelle, à accompagner la parentalité, à anticiper et à prévenir l’échec scolaire », explique Claire Alran, présidente de l’association. Des tables rondes, un forum annuel de la toute petite enfance mais surtout « les vendredis parents-enfants pour rencontrer l’école autrement ». Autour d’activités diverses, les parents, responsables et bénévoles des associations, les assistantes maternelles, l’enseignante, parfois le périscolaire, se retrouvent pendant que les petits jouent. « À travers ces échanges moins formels, les parents redécouvrent ce qu’est l’école, qui en sont les acteurs, et sont incités à en devenir acteurs eux-mêmes », poursuit Claire Alran. Beau clin d’œil à Molière qui installa un temps sa troupe dans la cité.
"Vrai projet de prévention"
« Mathis a beaucoup évolué depuis qu’il est dans cette classe. En tout, langage, confiance en lui, explique sa mère Fadima. La pédagogie est adaptée. Je suis aussi plus rassurée et en confiance ». « Je venais avec Wayatt mon fils les vendredis après-midis. En février il a intégré la classe passerelle sans traumatisme. Il s’adapte à son rythme », ajoute une autre maman entre la fabrication de deux pompons pour la décoration du forum.
Une collaboration indispensable aussi pour Clémence Roman, responsable du relais petite enfance financé par le CIAS qui fait le lien entre la crèche, l’école et les assistantes maternelles. « Cette classe passerelle est un vrai projet de prévention », analyse Christine Biel-Bazile, responsable PMI sur le secteur piscenois. « Pour les enfants en crèche ou non, pour ceux et celles en grande difficulté, elle permet une socialisation et une approche progressive de la collectivité. C’est un outil très important qui entretient le maillage autour de la petite enfance. On voit les bénéfices pour les parents qui ont une mauvaise image de l’école et les bienfaits pour les enfants », conclut-elle.
CONTINUITÉ ÉDUCATIVE
Les dispositifs passerelles (actions, lieux ou classes) initiés après la signature en 1990 d’un protocole, toujours en vigueur, entre le ministère de l’Éducation nationale et le secrétariat d’État chargé de la famille, tendent à assurer la continuité éducative des enfants de zéro à six ans. Deux secteurs de compétence donc, petite enfance et Éducation nationale, et un décret en 2000 qui pose les bases d’un partenariat local, d’actions et financier. La plupart des dispositifs ont été créés dans le cadre d’une politique d’action en faveur des milieux défavorisés. Les objectifs poursuivis sont la prévention des inégalités scolaires, une scolarisation progressive et précoce des enfants mais également une amélioration de la communication entre parents et école et un accompagnement dans l’exercice de la fonction parentale.