Une école démocratique, égalitaire, émancipatrice

Mis à jour le 05.01.22

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La résistance aux transformations néolibérales de l’école passe par un projet alternatif cohérent. Émancipation, égalité d’accès aux savoirs, culture commune, conscience environnementale, gestion collective et liberté pédagogique sont quelques-uns des ingrédients indispensables pour la construction d’une éducation réellement démocratique. Les propositions qui peuvent nourrir la perspective d’une véritable révolution scolaire doivent être largement mises en débat au sein de la société et particulièrement dans la communauté éducative.

Dossier
Pour une école démocratique, égalitaire et émancipatrice

La résistance aux transformations néolibérales de l’école passe par un projet alternatif cohérent. Émancipation, égalité d’accès aux savoirs, culture commune, conscience environnementale, gestion collective et liberté pédagogique sont quelques-uns des ingrédients indispensables pour la construction d’une éducation réellement démocratique. Les propositions qui peuvent nourrir la perspective d’une véritable révolution scolaire doivent être largement mises en débat au sein de la société et particulièrement dans la communauté éducative.

UDA 2021 dossier Ecole démocratique 1©Millerand-naja

Une école démocratique
Témoignage

La pédagogie Freinet qui transforme les rapports sociaux de production des savoirs semble particulièrement singulière en ce qu’elle est une pédagogie de l’émancipation. « Ce que je trouve le plus passionnant dans la pédagogie Freinet, c’est qu’elle met les enfants en position d’auteurs de leurs apprentissages et qu’elle ne peut pas exister sans la coopération », commence Raphaël Doridant. Cette année, il enseigne le français à la Reinhold- Schneider-Grundschule à Fribourg-en-Brisgau en Allemagne, dans le cadre d’un échange franco-allemand. Coopérer, ce n’est pas seulement « faire avec » l’autre, c’est accepter d’être transformé par lui. Pour le texte libre, le groupe se met au service de l’individu. L’écrit « élu » par les élèves est mis au point ensemble et devient celui de toute la classe. « C’est aussi leur donner la possibilité de développer leur estime de soi, leur confiance en eux, et leur offrir, à travers l’accueil bienveillant que le groupe classe et l’enseignant réservent à leurs créations, la possibilité de se sentir exister davantage, poursuit l’enseignant. C’est important pour les enfants fragilisés par la situation sociale de leurs parents par exemple, ou par l’éducation qu’ils reçoivent à la maison ». Le conseil qui se tient une fois par semaine est lui aussi une œuvre collective de création. « Le conseil transforme peu à peu celles et ceux qui y participent, enseignant compris, en leur faisant vivre une forme d’égalité quant à la prise des décisions », conclut-il. Une façon « démocratique » d’aborder le rapport à l’autre mais aussi les savoirs de la classe, devenus patrimoine culturel de proximité pour l’enfant, et qui constituent un pont pour s’approprier le patrimoine culturel de l’humanité.

“Redonner un sens réel à l’éducation”

Francis Vergne UDA 2021 ©Millerand-Naja

Francis Vergne est psychologue de l’éducation. Chercheur associé à l’Institut de recherche de la FSU, il anime le chantier Alternatives syndicales au néolibéralisme. Il a publié avec Christian Laval aux éditions La découverte La nouvelle école capitaliste (2011), Éducation démocratique : La révolution scolaire à venir (2021).

Que voulez-vous dire par "la crise de l'éducation ne sera pas résolue par des méthodes autoritaires" ? 

Nous voulons signifier que la crise de l’éducation a avant tout des causes sociales et politiques. Sociales car les inégalités croissantes et la dégradation du lien social ont profondément affecté les conditions d’enseignement et d’apprentissage. Et politiques du fait de la perte de sens du collectif et d’un héritage commun en matière éducative. La volonté du ministre actuel de l’Education nationale d’abstraire l’école de la société conduit à imposer d’en haut et de façon autoritaire des recettes pédagogiques couplées avec un management bureaucratique. Ce qui non seulement ne résout rien mais démobilise et révolte les enseignants. Mais cet apolitisme apparent cache en fait une repolitisation réactionnaire qui entend colmater la crise de l’école par des méthodes autoritaires, des références patriotiques et une discipline couplée parfois à un scientisme neuronal des plus réducteurs. En sorte que ces contre réformes qui marient néolibéralisme et autoritarisme finissent par détruire les bases même de l’éducation.

Qu'est-ce qu'une démocratie radicale ? 

Il faut entendre radical dans son sens littéral : prendre les choses à la racine. En lien avec la question précédente, je dirais que l’école ne souffre pas de trop de liberté, de trop de démocratie mais qu’au contraire elle en manque. Seule une démocratie sociale et écologique qui fasse de la solidarité envers les humains et de la responsabilité écologique envers les milieux de vie sa priorité pourra redonner un sens réel à l’éducation. La tâche de l’éducation démocratique radicale est donc d’apprendre à tout individu à devenir un participant actif à la vie sociale et culturelle et à être également pleinement responsable du monde dans lequel il va vivre. Dans une telle perspective, l’éducation a pour fonction de former des individus créatifs et coopératifs en mesure de mettre en commun des savoirs, de prendre soin des autres et des milieux de vie comme de produire eux-mêmes des connaissances.

"Faire de la démocratie un principe de fonctionnement de l'institution scolaire et de la formation des élèves"

Vous avancez cinq principes, quels sont-ils ? 

Le premier principe concerne la liberté de l’esprit et l’émancipation de l’école de toutes les puissances qu’elles soient religieuses ou politiques qui cherchent à la soumettre et l’instrumentaliser. Pour cela, l’éducation, de l’école enfantine au supérieur, devrait être intégrée à une institution indépendante des pouvoirs que nous appelons « Université démocratique ». Le second touche la recherche de l’égalité réelle dans l’accès à la culture et à la connaissance ce qui suppose d’agir sur le cadre économique, social et culturel des familles pour faire reculer la précarité scolaire. Et aussi de retisser, par la solidarité, des liens trop distendus à l’institution scolaire. Le troisième principe s’attache à mettre en œuvre une culture commune repensée dans toutes ses dimensions et conçue comme un bien commun co-élaboré et ouvert à toutes et tous. Quant au quatrième principe, il concernera la définition de ce qui nous appelons une « pédagogie instituante » qui développe la coopération active des élèves dans leurs apprentissages. Le cinquième enfin s’attache à imaginer ce qui pourrait être un autogouvernement des institutions du savoir et de sa transmission au travers de structures à fois collégiales et fédératives.

Quel rôle pour la pédagogie ? 

Nous avons en vue un ensemble de pédagogies qui font de la démocratie un principe de fonctionnement de l’institution scolaire et de la formation des élèves. Ces pédagogies sont à la fois sociales au sens où elles privilégient des conduites de coopération et de réciprocité, et démocratiques dans la mesure où elles développent la participation effective des élèves à l’élaboration de règles collectives. Elles se réfèrent à la fois à Dewey, à Paulo Freire ou encore à Freinet et à la pédagogie institutionnelle. Leur principe de base veut qu’en faisant agir les élèves sur leur propre cadre, de façon réglée et collective, il est possible de les rendre plus ouverts aux apprentissages. Dans cette optique, appropriation de savoir et conscience critique marchent du même pas. Ou pour reprendre une formule de Freire, on ne sépare pas dans l’apprentissage la lecture du mot et la lecture du monde. D’où la construction d’un ensemble de dispositifs qui aide les élèves à devenir davantage sujets de leurs apprentissages en faisant l’expérience d’un commun éducatif.

FsC 478 UDA Laurence de Cock©Millerand-Naja

 “Redonner ses titres de noblesse à l’émancipation”

FsC UDA 478 Laurence de Cock©Millerand-Naja

Laurence De Cock, chercheuse en histoire et sciences de l’éducation –professeur en lycée et en didactique de l’histoire et la sociologie du curriculum à l’université Paris. Autrice Ecole publique et émancipation sociale (Edition Agone 2021).

Pour Laurence De Cock, les réformes éducatives de Jean-Michel Blanquer mises en place dans un contexte de coercitions, opèrent une véritable « contre-démocratisation », renforçant les inégalités socialement construites et ne permettant pas une trajectoire choisie pour toutes et tous. Dans École publique et émancipation sociale, la professeure en didactique de l’histoire, retrace les jalons fondateurs de l’école publique, notamment la protection des plus humbles et une société plus juste et solidaire. L’autrice pose à son tour des principes incontournables pour que le service public d’éducation sorte des logiques de domination et soit une école de l’émancipation et de la transformation sociale.

Qu'est-ce que la crise sanitaire a révélé de l'école ?

La crise a agi comme un précipité, au sens chimique, c’est-à-dire en mettant à jour des problèmes déjà là. Elle a confirmé l’existence criante des inégalités scolaires que l’on peut nommer injustices sociales tellement le déterminant majeur reste l’origine sociale. Le plus probant a été la visibilisation des inégalités numériques nécessaires à l’accès à la continuité scolaire. De même, la réforme du lycée, avec le fonctionnement par options qui a mis à mal l’accompagnement pédagogique du collectif-classe, rendait quasi impossible l’assignation, dans le but d’éviter les brassages, d’une salle pour un groupe-classe qui n’existe plus. L’importance des effectifs a également été mis en exergue avec l’impossibilité de tenir les distanciations avec une classe entière de 25 élèves, voire d’une trentaine ou plus dans le second degré.

"La démocratisation, c'est la possibilité laissée à tous les élèves, de manière égalitaire,
 d'accomplir le parcours scolaire de leur choix"

Cela a mis à mal la démocratisation de l'école ? 

Selon la définition que l’on donne à la démocratisation, le bilan n’est pas le même. La formulation commune parle d’égalité des chances pour la réussite scolaire. Or, l’idée de « réussite scolaire » est socialement construite : un bon métier, un métier qui paye bien. Elle fonctionne avec l’idée d’une performance en adéquation avec ce modèle social valorisé. De même, ce n’est pas une question de chance qui renvoie à un hasard réduisant la part de responsabilité politique. Ce qui empêche le plus une démocratisation scolaire, c’est que les enfants soient très tôt assignés à une place et une tâche sociale qui n’est pas forcément leur choix. Ce terme laisse aussi à croire que lorsqu’un élève échoue, c’est de sa responsabilité et qu’implicitement les inégalités sont justifiées. C’est terrible pour des enfants. Je donnerai donc plutôt la définition suivante : la démocratisation, c’est la possibilité laissée à tous les élèves, de manière égalitaire, d’accomplir le parcours scolaire de leur choix.
Or, l’enseignement à distance prôné par le ministère n’a pas tenu compte des conditions des familles inégalement à même d’assurer un suivi pédagogique et a donc accentué les décrochages et les décrochements. Selon la DEPP, 10% des élèves du primaire en éducation prioritaire n’ont pu être suivis pour 6% hors EP et on sait que l’accumulation des retards suite à cette période ne pourra pas être compensée pour tous les élèves. Cela aura sans aucun doute des effets sur l’ensemble de leur trajectoire scolaire. Il faut donc observer les faits : depuis quatre ans, les mesures prises vont dans le sens d’un renforcement d’une sélection, voire d’un tri social. Regardons la réforme du lycée ou Parcoursup par exemple.

Mais cette difficulté de démocratisation n'est pas nouvelle ? 

On pourrait dire qu’il existe une forme de « péché originel » de l’école de Jules Ferry. Malgré une volonté réelle d’instruire tous les enfants et notamment les plus pauvres, il ne va pas jusqu’au bout et maintient les « lycées ». Ce sont des voies de sélection, du primaire au bac, pour les familles les plus riches. On a traqué les familles « pauvres » qui rechignaient à mettre leurs enfants à l’école, mais on a laissé les riches éviter l’école pour tous. Pourtant, le projet de démocratisation, comme ceux plus tard de Jean Zay (1936), du collège unique (1975) ou de l’éducation prioritaire (1981), reste animé par une double boussole : la volonté de tendre à une unification du système éducatif pour éviter les filières parallèles sélectives et la concentration, notamment des moyens, sur les enfants qui en ont le plus besoin. Mais grosso modo depuis la fin des années 90, cette boussole disparaît au profit de l’impératif d’austérité économique qui dicte de plus en plus le fonctionnement de l’école. Aujourd’hui, nous ne sommes plus dans cette politique de redistribution des richesses. Au contraire, depuis plusieurs années, nous assistons à une accentuation des mesures d’économies budgétaires. Il n’y a qu’à regarder la baisse du nombre de postes, la précarisation générale du métier ou encore l’état de délabrement de certains établissements tandis que l’argent continue de ruisseler sur les prépas ou les grandes écoles.

"Affirmer l'urgence d'un service public d'éducation implique qu'il soit conçu pour celles et ceux qui en ont le plus besoin"

Vous parlez de "contre-démocratisation" ? 

Ce qui semble inédit actuellement, c’est la brutalité des réformes et leur caractère systémique. Les attaques se situent à tous les niveaux, de la maternelle à l’enseignement supérieur, guidées par l’idéologie néolibérale. L’obsession d’une valorisation de la réussite individuelle s’accompagne d’un culte de l’évaluation dans une logique de stress et de classement perpétuel. Ce caractère idéologique est maquillé par un prétendu scientisme, engendrant une sorte de « neurobéatitude » qui tend à faire passer ces idées comme une vérité incontestable. Le caractère inédit réside aussi dans un contexte de cascades d’autorité, d’un contrôle à tous les échelons. Y compris celui des cadres avec, fait rare, une tribune récente d’inspecteurs généraux anonymes dénonçant une mise au pas. À l’échelon des enseignants, on assiste à des poursuites des militants, de celles et ceux qui se mobilisent contre les réformes, mais aussi parfois pour leurs pratiques pédagogiques. De même, l’article 1 de la loi sur « l’école de la confiance » entraîne une auto-censure des enseignants qui n’osent plus donner leur nom ou s’exprimer. Tout cela provoque une pression implicite, une dissuasion et une anticipation des attentes pour se protéger. Mais cette coercition touche également les lycéens dont les mobilisations sont violemment réprimées. On pense en particulier aux évènements de Mantes-la-Jolie en décembre 2018 où des lycéens sont mis en joue avec un policier commentant « voilà une classe qui se tient sage ». Cette image d’une classe maintenue dans le silence par les armes et des représentants de l’ordre est terrible par le caractère humiliant mais aussi car le propos symbolise la disparition de la fonction éducative au profit d’une fonction répressive. Elle témoigne d’une criminalisation des gestes et paroles d’enfants, remettant en cause leur droit et invisibilisant tout traitement éducatif.

L'école comme lieu d'apprentissage n'est pas une évidence ? 

Il y a une tendance actuelle, surtout à gauche mais pas seulement, à considérer que l’école doit être d’abord un lieu de bien-être, avec une mise en avant du respect du rythme de chacun, des exercices de pleine conscience, etc. Cela renvoie aux critiques fortes contre l’école traditionnelle considérée comme une antichambre de la caserne et de l’autorité ; critiques auxquelles certains pédagogues ont répondu par la création d’espaces alternatifs, lesquels aujourd’hui coûtent tout de même un demi SMIC par mois, ce qui, on en conviendra, interdit toute présence de familles populaires. En outre, certains de ces établissements, que je détaille dans mon livre, me semblent davantage relever d’une zone de loisirs et de confort que d’une école. L’école doit bien être un lieu de travail où on apprend. Plusieurs pédagogues, tels Célestin Freinet, Ferdinand Buisson ou Paul Robin, ont pensé la question des savoirs et savoir-faire à travailler dans l’école publique dans un objectif d’une école du peuple. La question d’identifier des savoirs potentiellement mobilisables dans la société, avec une égale dignité des disciplines, qu’elles soient manuelles ou intellectuelles, sans conditionnement de jugement de l’une supérieure à une autre. Cela renvoie à une école visant l’émancipation. Je suis convaincue qu’il faut redonner ses titres de noblesse à l’émancipation. Le terme a été confisqué et détourné en une idée d’une libre entreprise de soi, d’un moyen d’échapper à son milieu dans un projet individualiste. Or, on s’émancipe à côté des autres et grâce aux autres. L’émancipation relève d’une visée sociale et collective, portée par une volonté de justice sociale et d’abolition des dominations. C’est finalement plus large qu’une démocratisation, c’est repositionner l’école publique comme un espace de protection des plus démunis, et comme véhiculant des valeurs et des savoirs pour en finir avec les injustices.

"Les élèves eux-mêmes doivent être autorisés à des remises en question"

C'est replacer l'école comme un service public incontournable ?

Il n’y a pas d’émancipation possible sans un service public d’éducation. L’école commune, comme bien collectif, repose sur la condition première de sa gratuité et donc par une redistribution des richesses. De plus, un service public d’éducation suppose un caractère désintéressé. De ses agents qui n’y entrent pas pour faire carrière individuellement, des élèves que l’on n’y met pas dans un objectif de se concurrencer. Désintéressé également de commandes du marché. Pour être un lieu d’émancipation, l’école doit être à l’abri des endoctrinements, d’où l’importance de son cadre laïque, mais aussi de toutes tentatives d’emprise néo-libérales. Affirmer l’urgence d’un service public d’éducation implique aussi qu’il soit conçu pour celles et ceux qui en ont le plus besoin. Il ne s’agit évidemment pas de brader le savoir mais de construire un lieu d’apprentissages où les enfants des milieux populaires ne se sentent pas relégués. C’est une condition de base.

On peut donc encore rêver l'école ? 

Oui, il faut justement ! Penser l’école comme une utopie. D’une part car ça fait du bien, que cela projette vers des lendemains potentiellement meilleurs. On ne peut pas capituler. D’autre part, car cela évite d’en faire une institution qui ronronne. Les élèves eux-mêmes d’ailleurs doivent être autorisés à ces remises en question. Vivre l’école comme une institution qui a des promesses, c’est la condition pour imaginer un autre monde possible.

"L'émancipation relève d'une visée sociale et collective"

FsC 478 UDA Laurence de Cock©Patrick Cros -Naja

Se mettre d'accord sur 5 piliers de l'école publique
1 Il faut à tout prix repolitiser la question de l’école publique. En refaire un objet politique, le « déniaiser ». Assumer que l’école soit un lieu d’éveil à la conscience politique, qui n’est la conscience partisane, qui est la conscience d’avoir un rôle à jouer dans la société.
2 Tous les enfants qui vivent dans ce pays ont droit à l’éducation et ont droit à l’erreur d’aiguillage. Cela me semble fondamental.
 3 La réussite scolaire, ce n’est pas chercher à entrer dans le monde des dominants. C’est plutôt la quête de l’émancipation collective, c’est la quête d’un monde meilleur, la dimension utopique.
4 Les richesses doivent être redistribuées en direction de ceux qui en ont le plus besoin.
5 L’école publique doit être refondée à partir de notre boussole qui est celle des enfants de milieux populaires.

Extraits de conférence
“Tissez des alliances. Tissez des alliances avec tout ce qui n’est pas directement de l’école, avec l’éducation populaire, les parents, mais aussi entre vous. Tissez des alliances avec vos élèves et entre les élèves. Je pense que nous avons le devoir d’apaiser les élèves.”
“Soyez créatifs, soyez inventifs, osez bricoler vos trucs. On a le droit de se planter. N’ayez pas peur. Parce que le risque que vous prenez en ralentissant, en inventant est beaucoup moins important que le risque pris en ne lisant rien, en appliquant aveuglément les consignes. Ayez plus peur de ne rien faire que de faire.”
“La crise sanitaire a révélé l’impensé d’une éducation à la santé. Il y a dans l’école tout à repenser en terme d’éducation à la santé. C’est particulièrement important parce que l’absence de démocratie sanitaire c’est aussi l’absence de notre conscience à nous que nous avons un rôle à jouer dans les choix sanitaires.”
“L’école de Blanquer est une école du tri social avec ceci de pervers qu’elle vise à convaincre les élèves triés qu’en réalité, ils ne pourraient pas être ailleurs. Une école de l’assignation à résidence sociale, qui, même en élevant le niveau, vise à faire en sorte que chacun soit bien à sa place, c’est ce que l’on appelle une école de l’ordre. Une école du maintien de l’ordre social dominant.”
“Qu’est-ce que c’est un savoir critique ? C’est un savoir qui devient un outil d’analyse et un outil d’interrogation du monde. Le savoir qui permet d’élaborer des outils qui sont mobilisables au présent d’abord et ensuite à l’avenir pour comprendre, agir et éventuellement transformer le monde.”
“Il faut rester modeste. L’expérimentation démocratique en classe se cantonne à la classe et c’est déjà beaucoup. Ce sont des expériences d’interactions sociales. Mais il faut accepter, c’est la logique de l’émancipation, que vos élèves lorsqu’ils sortent de vos classes ne soient pas exactement ce que vous auriez aimé qu’ils soient. Le contraire de ça, c’est l’endoctrinement !”

FsC 478 UDA Bernard Lahire 2©Millerand-Naja

“Les enfants sont très inégalement entourés de capital culturel”

FsC UDA 478 Bernard Lahire©Millerand-Naja

Bernard Lahire est professeur de sociologie à l’ENS et membre de l’institut universitaire de France. Il a publié une vingtaine d’ouvrages parmi lesquels Tableau de famille (Gallimard, Seuil, 1995), La Raison scolaire (PUR, 2008) et Enfances de classes (Dir Seuil 2019)

Lorsque l’on naît dans une famille bourgeoise du septième arrondissement parisien ou dans un foyer composé d’une maman seule, immigrée, sans papiers, sans logement, sans famille et ne maîtrisant pas le français, a-t-on les mêmes chances de réussir scolairement ? Peu de doutes sur la réponse. Pourtant, dix-sept chercheuses et chercheurs, dirigés par le sociologue Bernard Lahire se sont saisis de la question. Il en résulte une enquête de plus de quatre ans auprès de trente-cinq enfants âgés de 5 à 6 ans et de leur entourage. Et, dès le début de l’ouvrage de plus de 1 200 pages présentant les résultats de cette recherche, le ton est donné : « Les enfants vivent au même moment dans la même société, mais pas dans le même monde ».

                                 "Quand on lit les études de cas d'enfants les plus précaires et que l'on se déplace dans le livre
                                       pour lire les cas de familles les plus richement dotées culturellement et matériellement,
                                                 on mesure les distances abyssales entre les vies des uns et des autres"

Quelle est la particularité de la recherche dont vous faites état dans "Enfances de classe. De l'inégalité parmi les enfants" ? 

C’est une recherche assez inédite dans les sciences sociales, au croisement d’une sociologie de l’enfance et d’une sociologie des inégalités. Il s’agissait de reconstituer les univers matériels et culturels dans lesquels évoluaient 35 enfants de 5-6 ans, scolarisés en grande section de maternelle, afin de montrer que ces enfants vivent au même moment, dans la même société mais pas dans le même monde. Notre collectif, composé de 17 chercheurs, a essayé de couvrir les trois grandes classes sociales - supérieures, moyennes, populaires -et des fractions de classe significatives au sein de chacune d’elles - en fonction du degré de qualification et de précarité au sein des classes populaires, et selon la structure de distribution du capital culturel et du capital économique pour les classes moyennes et supérieures. Pour chaque cas, nous avons réalisé trois entretiens longs avec les parents, un entretien auprès d’une personne significative de l’entourage autre que les parents - nourrices ou grand-mères, par exemple - et un entretien avec l’enseignant ou l’enseignante de l’enfant.

Comment avez-vous abordé ces enfants à l'école ? 

Nous avons mené une journée d’observation à l’école maternelle pour voir le comportement de l’enfant en classe et durant les temps de récréation, et nous avons enfin proposé des exercices de langage, lexicaux et narratifs essentiellement. Nous avons publié 18 études de cas sur les 35 intégralement rédigées, et procédé à des analyses transversales thématiques par type d’inégalité sur l’ensemble des 35 cas. L’ouvrage analyse donc les multiples inégalités - langagières, culturelles, économiques, de santé, de logement, etc. - que vivent les différents enfants et donnent à voir l’effet conjugué de ces inégalités sur des vies d’enfant que tout sépare. Quand on lit les études de cas d’enfants les plus précaires et que l’on se déplace dans le livre pour lire les cas de familles les plus richement dotées culturellement et matériellement, on mesure les distances abyssales entre les vies des uns et des autres. C’est aussi ce choc de lecture que je voulais provoquer. Parfois, la prise de conscience passe par des chocs émotionnels. Et quand ceux-ci sont accompagnés des éléments d’analyse théorique pour bien faire comprendre les mécanismes de production et de reproduction des inégalités, alors on peut espérer transformer le regard qu’on porte sur les inégalités et sur l’enfance.

"La réussite scolaire ne dépend pas que de l'action de l'école.
Ce sont toutes les inégalités de classe qui sont en jeu dans les processus d'échec scolaire"

Les conditions d'habitat, les vêtements, la santé, l'alimentation. Toute cela influe-t-il sur la capacité à réussir à l'école des enfants ? 

Le but de l’ouvrage n’était pas de faire converger l’ensemble des analyses vers une compréhension de la réussite ou de l’échec scolaire, mais de comprendre comment les enfants partent dans la vie avec des atouts ou des handicaps majeurs. On parle beaucoup de méritocratie mais on se demande rarement si la compétition scolaire ou sociale n’est pas faussée d’avance entre les enfants. Imaginez que l’on fasse courir des chevaux inégalement entraînés et qui n’auraient pas les mêmes poids à porter. Il paraît évident qu’ils n’auront pas les mêmes chances de figurer parmi les gagnants. Se concentrer sur le temps de la course, c’est oublier tout ce qui conditionne la course, tout ce qui est en amont de cette course et qui la détermine. Mais pour revenir au cœur de votre question, les questions de logement, par exemple, pèsent sur les parcours scolaires de l’enfant. Disposer d’un grand espace pour pouvoir jouer et s’exprimer à travers des jeux, disposer d’une chambre à soi comme disait Virginia Woolf, pouvoir bénéficier d’espace et de calme pour lire, dessiner, peindre ou regarder un dessin animé, tout ça est très important d’un point de vue scolaire. Quand vous vivez dans des logements étriqués, bruyants et insalubres, vous n’avez pas la tête et le corps plongés dans des cadres propices à la bonne santé scolaire. Les questions de santé et d’alimentation, elles, touchent à des problèmes beaucoup plus généraux d’espérance de vie.

Comment définissez-vous le capital culturel ? 

C’est un concept forgé par les sociologues Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron dans les années 1960. Le capital culturel est composé d’éléments tout à fait matériels tels que les livres, les œuvres d’art, la fréquentation des institutions culturelles, et d’autres plus immatériels mais tout aussi importants tels que les goûts, les savoirs, les habitudes culturelles. En gros, toutes les manières de voir, de sentir et d’agir qui sont incorporées par les individus de différentes manières, par imprégnation inconsciente, par apprentissage explicite, par imitation et identification, etc. Il y a enfin toute la part institutionnellement reconnue de la culture acquise sous la forme de diplômes, de résultats à des concours, d’accès à des institutions plus ou moins prestigieuses, etc. Sous ce triple point de vue, objectivé, incorporé et institutionnalisé, les enfants sont très inégalement entourés de capital culturel.

"Lorsque les responsables politiques sont dans le déni de la réalité,
ça rend difficile toute politique de transformation démocratique des choses"

Le langage, là aussi, un élément différent selon la catégorie sociale ? 

C’est un fait bien connu depuis les années 1960-1970 avec les travaux du sociologue de l’éducation britannique Basil Bernstein et ceux du grand sociolinguiste états-unien William Labov. La maîtrise du langage, et notamment d’un langage explicite, lexicalement précis, grammaticalement complet et correct, est centrale dans la scolarité. Or, les enfants n’arrivent pas à l’école avec la même expérience langagière parce que leurs parents sont inégalement scolarisés et ne parlent pas tous de la même façon. Ils sont à plus ou moins grande distance du langage privilégié à l’école. Pour ne prendre que deux exemples ordinaires parmi d’autres, les parents sont inégalement attentifs à la bonne prononciation des mots par leurs enfants. Or, cela a des effets dès lors que l’on commence à écrire et qu’il faut que l’enfant traduise une chaîne sonore en signes écrits. Le second exemple est celui qui concerne la lecture à haute voix d’histoires dans la journée ou, rituellement, le soir avant de se coucher. Certains enfants sont en permanence baignés dans des univers fictionnels, et incorporent sans s’en rendre compte des centaines de mots, des temps, des structures syntaxiques et des structures narratives. Lorsqu’ils entrent à l’école maternelle, en général à trois ans, ils ont déjà un capital langagier non négligeable par ce simple fait.

La bonne entrée dans les apprentissages serait donc liée à la catégorie sociale à laquelle appartiennent les enfants ? 

Oui. Seuls quelques idéologues peuvent encore contester ce lien puissant, que vérifient statistiquement comme ethnographiquement les sociologues de l’éducation de toutes les sociétés scolarisées depuis plus de 50 ans, entre la classe sociale d’appartenance de l’enfant et la réussite ou l’échec scolaire. C’est un fait solidement établi incontournable.

Alors tout est joué ? 

Jamais rien n’est totalement joué d’avance. Si, comme disait Marx, ce sont les hommes qui font leur histoire, alors ils peuvent faire autrement cette histoire quand ils constatent que quelque chose est mal fait. Mais cela ne veut pas dire que changer l’état existant des choses est une opération facile. Il faut tout d’abord être lucide sur l’état des inégalités et sur les modalités de leur production et de leur reproduction. Là, les sciences sociales ont un rôle crucial à jouer pour apporter les éléments factuels et d’analyse qui permettent d’éclairer le plus adéquatement possible la situation. Lorsque les responsables politiques sont dans le déni de la réalité, ça rend difficile toute politique de transformation démocratique des choses. Mais à supposer que tout le monde saurait exactement de quoi il retourne, et voudrait vraiment améliorer les choses, l’affaire serait loin d’être réglée. Si on lit bien les sociologues, et si on lit bien notamment « Enfances de classe », on comprend que la réussite scolaire ne dépend pas que de l’action de l’école. Ce sont toutes les inégalités de classe qui sont en jeu dans les processus d’échec solaire. Pour enrayer ces mécanismes impitoyables, il faut s’attaquer à la question générale de la redistribution des richesses, tant économiques, comme le propose l’économiste Thomas Piketty, que culturelles au sens large du terme. C’est tout un système économique et social qu’il faudrait remettre en question si l’on voulait réellement rendre l’accès au savoir et à la culture plus égalitaire. Mais les forces sociales qui contribuent à maintenir l’ordre inégal des choses sont très puissantes, et il faut beaucoup de volonté, de moyens et d’actions collectives pour leur opposer des contre-forces plus démocratiques.

UDA 2021 dossier Ecole démocratique 2©Millerand-naja

Une coéducation détournée
Témoignage

La coéducation ne doit pas être vue comme un concept théorique mais comme un processus où tous ceux qui interviennent auprès d’un enfant s’associent et collaborent pour sa réussite. Lors du confinement, l’école a d’une certaine manière externalisé les activités scolaires. Les parents se sont retrouvés en charge d’accompagner leurs enfants dans les apprentissages. La co- éducation a donc été mise à mal et les inégalités accentuées.

Avec le confinement, les familles se sont vues confier certaines tâches scolaires, qui les ont mises en difficulté. Une difficulté parfois matérielle comme chez Rayan où il n’y a pas d’imprimante et « c’est à l’école qu’on est allé chercher les photocopies ». « C’est l’école qui nous a donné un ordinateur parce que c’est important », raconte la maman de Henda. La maman de Riva parle des hurlements de ses enfants, des pleurs, de sa dépression, de ses difficultés à faire les courses. « Toute seule avec trois enfants dans une toute petite chambre, c’est dur », confie-t-elle. Pour d’autres comme Samuel, le confinement a plutôt été plaisant grâce au jardin de la maison de campagne. Le seul problème pour son père, « c’est qu’internet parfois ramait ». Le sociologue Pierre Périer explique que les situations vécues ont exacerbé toutes les facettes des inégalités. Pour Christine, enseignante en milieu rural, « une autre pauvreté existe » dans le territoire où elle travaille. « Pas de culture, pas de structures sportives, pas de connexion internet forcément et ce n’est pas toujours facile de toucher les parents ». Pour Laurent, enseignant en REP, la coéducation se construit avec tous les acteurs de la vie de l’enfant. Ces acteurs éducatifs interviennent sur le rapport dégradé à l’école que peuvent avoir certains enfants. Une autre PE s’interroge sur les devoirs donnés à la maison et le rôle que doivent tenir les parents. Pour Pierre Périer, « l’important, c’est que les parents soient soutenants, qu’ils échangent avec leur enfant ». Les parents, même s’ils ne maitrisent pas tous les codes de l’école, ont conscience de ses enjeux.

 “Clarifier qui fait quoi et comment”

Pierre Périer UDA 2021 ©Millerand-Naja

Pierre Périer Sociologue et professeur de sciences de l’éducation à l’Université Rennes 2, Pierre Périer est chercheur au CREAD (Centre de recherches sur l’éducation, les apprentissages et la didactique), auteur de Des parents invisibles. L’école face à la précarité familiale (PUF, 2019).

En quoi consiste la coéducation ? 

Il s’agit d’associer parents, acteurs éducatifs, enseignants et enseignantes dans un objectif de développement et de réussite des enfants et des jeunes. L’enjeu de la coéducation est de clarifier qui fait quoi et comment. Et ce n’est pas simple. Les questions des rôles, des responsabilités, des périmètres d’intervention des uns et des autres et de l’information dont chacun a besoin pour coordonner et ajuster sa pratique sont centrales. La coéducation, c’est reconnaître qu’il existe une diversité d’actions participant à la réussite des élèves mais la difficulté réside dans l’identification et la communication entre ces différentes actions, dont la cohérence est l’un des gages de leur l’efficacité. Il y a coéducation quand il y échange entre parents et enseignants, parce que les enseignants prennent en charge – qu’ils le veuillent ou non – des questions éducatives à travers l’attention qu’ils portent aux enfants, à travers le souci de leur bien-être dans la classe et à l’école. Les parents sont dans la coéducation car eux-mêmes s’informent à minima sur la scolarité de leur enfant, regardent les devoirs à la maison et sont préoccupés de l’enjeu scolaire. Ils essaient, à la mesure de leurs moyens, de prendre en compte des attentes scolaires ou d’inscrire leur action en cohérence avec celles-ci, ce qui n’est pas toujours simple. Et dans certains territoires, notamment dans les quartiers prioritaires, les acteurs des associations de quartier participent à la coéducation. Même si c’est périphérique à la relation parents-école, il y a un enjeu à élargir le réseau des partenaires.

En quoi est-elle importante dans les milieux populaires ? 

C’est important pour ces familles, car comme les autres, elles se soucient de la réussite de leurs enfants, même si cet intérêt se manifeste de façon peu visible. Elles savent moins comment faire. Elles ont donc conscience de l’enjeu mais ne maîtrisent pas les règles du jeu et n’ont pas les compétences requises pour entrer dans le jeu. Elles le vivent avec un sentiment d’injustice car elles ont envie de bien faire mais ne savent pas comment. Ne saisissant pas les codes, elles ne peuvent apparaître comme interlocuteur légitime pouvant aider efficacement leur enfant.

"Tout ce que l'on exporte de l'école à la charge des familles ayant des ressources inégales aggrave les inégalités"

A-t-elle été mise à mal lors du confinement ? 

La relation a été bousculée et a pris des formes inattendues avec des conséquences tout aussi inattendues. Positives et négatives. Négatives, car effectivement, on a constaté que les inégalités dans le registre des apprentissages scolaires s’étaient creusées. Tout ce que l’on exporte de l’école à la charge des familles ayant des ressources inégales aggrave les inégalités. Plus l’école externalise les tâches d’ordre scolaire, plus elle est inégalitaire. La coéducation ne peut pas grand chose lorsque l’on demande aux parents, très inégalement compétents, d’intervenir sur le travail scolaire à la maison, de gérer les apprentissages, de comprendre les consignes et les finalités des exercices… Les familles populaires ont été très rapidement démunies et dépassées. Ce n’est pas de la mauvaise volonté, c’est l’impossibilité de répondre aux attentes plus ou moins explicites de l’école. Les effets positifs sont du côté d’une relation finalement possible alors que l’on supposait qu’elle ne pouvait avoir lieu, avec l’idée de parents désintéressés ou encore démissionnaires. Du côté des parents, certains préjugés à l’égard des enseignants ont été déconstruits. Certains ont été très surpris que l’enseignant leur téléphone pour prendre des nouvelles de leur enfant, par exemple. Ils se sont sentis légitimés comme interlocuteur de l’école et dans leur rôle de parent. Même s’il s’est opéré un changement de représentation des uns sur les autres, le parent qui n’a pas les compétences requises reste, lui, en difficulté face aux attentes scolaires.

Et dans les milieux populaires ? 

Les parents de milieux populaires ont particulièrement souffert du confinement. Pour des familles qui étaient déjà en difficulté, c’était une épreuve supplémentaire, parfois insurmontable. Si le contact avec l’enseignant ou l’enseignante n’a pas bien fonctionné, il y eu une quasi-rupture entre l’école et les familles, un véritable décrochage relationnel. On ne peut que constater qu’un groupe de parents, les plus précaires, a très vite déconnecté dans son rapport avec l’institution et aux apprentissages de l’enfant.