Circulaire de rentrée : un discours hors sol

Mis à jour le 13.07.23

5 min de lecture

Alors que la circulaire de rentrée 2023 affiche l’école comme un “espace protecteur” pour les élèves et les personnels, le gouvernement ne prévoit quasiment aucun nouveau moyen pour l’école à la prochaine rentrée. Dans un contexte post-COVID, alors que le constat d’inégalités scolaires corrélées aux inégalités sociales se maintient voire s’aggrave, au moment même où des tensions sociales extrêmement graves secouent le pays, cette circulaire de rentrée préparée par Pap Ndiate totalement hors sol révèle le fossé qui existe entre la rue de Grenelle et les enseignant·es.

L’école comme “espace protecteur”

La circulaire de rentrée 2023, parue le 6 juillet au BO, fixe comme priorité absolue de faire de l’École un espace protecteur pour les élèves et les personnels.
Elle place au premier plan la lutte « implacable » contre « le harcèlement sous toutes ses formes ». Sans moyens dévolus, cette “priorité absolue” reposera essentiellement sur les personnels.
Un plan de formation destiné notamment à mieux travailler et développer les compétences psycho-sociales des élèves est annoncé.
La FSU-SNUipp a fait le constat cette année que les formations actuelles ont été, annulées faute de remplaçant·es, ou basculées hors temps de classe… Sans moyens supplémentaires de remplacement, la mise en œuvre de cette formation est illusoire.

Le nouveau cadre réglementaire pour changer d’école un·e élève auteur·e de harcèlement est cité, mais le décret précisant la procédure n’est pas encore paru.

La circulaire mêle valeurs de la République et harcèlement et annonce la révision du programme d’enseignement moral et civique pour une mise en œuvre dès la rentrée 2024.
Au vu des pressions que subissent actuellement l’école et ses personnels, la FSU-SNUipp sera très vigilante à ce sujet.

Enfin, la circulaire affirme la nécessité d’une « protection de ses personnels », avec « l’octroi systématique de la protection fonctionnelle, d’un accompagnement au dépôt de plainte et de sanctions disciplinaires systématiques lorsque les menaces ou agressions physiques et verbales seront commises par des élèves ».

Les « savoirs fondamentaux » comme “boussole” 

Dans une forme d’autosatisfaction, la circulaire affirme que la politique éducative du président Macron est la voie à poursuivre.
Des « feuilles de route » doivent être élaborées par le CASF (conseil académique des savoirs fondamentaux) pour les enseignant·es du primaire avec pour “boussole” les savoirs fondamentaux.

Ces annonces peuvent faire craindre une aggravation des prescriptions autour des “fondamentaux” et du pilotage par les évaluations nationales standardisées, dont la FSU-SNUipp montre qu’ils creusent les inégalités tout en mettant à mal la professionnalité enseignante.

L’heure de soutien en collège est présentée comme l’occasion d’un « continuum école-collège ». Pourtant ce continuum existe déjà dans les textes, mais peine à vivre du fait de l’absence systématique de moyens (remplacement, déplacement… notamment). Et le déplacement de la prise en charge de la difficulté scolaire de l’école primaire au collège démontre que le traitement initial n’est pas à la hauteur, notamment en termes de moyens de RASED.

Et pour les “territoires les plus en difficulté” ?

En zone rurale, la circulaire annonce un « dialogue triannuel » sur les fermetures/ouvertures de classes en lien avec les élu·es locaux. Dans les “Quartiers 2030” de la politique de la ville, l’accueil des tout-petits serait développé, les cités éducatives seraient étendues et les SRAN renforcés.

Alors que la carte de l’Éducation prioritaire aura 10 ans en 2024 et devait être actualisée tous les 5 ans, la circulaire de rentrée n’annonce aucun chantier à ce sujet. Les rectrices et recteurs sont simplement invité·es « à utiliser l’ensemble des outils à disposition pour renforcer la mixité sociale et scolaire à compter de la rentrée 2024 ».

L’épanouissement des élèves

Une fois de plus, le conseil supérieur des programmes est saisi pour élaborer un programme sur l’éducation à la sexualité .
Les établissements scolaires devront rédiger un protocole sur la santé mentale.

Les équipes des PIAL, ainsi que l’ensemble des personnels, sont également « invités à veiller une nouvelle fois à la bonne inclusion des élèves en situation de handicap ». Il est précisé que les familles doivent pouvoir rencontrer AESH et équipe pédagogique « en amont de la rentrée ou dans les tout premiers jours ». 

Un guide de la transition climatique et écologique est annoncé. Un nouveau programme d’enseignement moral et civique, qui donnera toute sa place aux enjeux de la transition écologique et de l’éco-citoyenneté, est annoncé pour la rentrée 2024.

Encore une fois, tout repose sur l’énergie et l’engagement des personnels… aucune formation ne viendra compléter leurs savoirs professionnels. Les moyens nécessaires ne sont pas évoqués (postes RASED, CAPPEI..).

Année olympique et paralympique

La prochaine année scolaire sera une année olympique et paralympique. Le texte rappelle l’existence de la circulaire spécifique détaillée à ce sujet et l’importance des « 30 minutes d’activité physique quotidienne » (APQ). 

Pour la FSU-SNUipp, l’EPS est un apprentissage à part entière. Cela veut dire qu’il doit y avoir une ambition, de la formation et des moyens pour rendre effectif son enseignement. Or, ce n’est toujours pas le cas un an après la parution de la circulaire sur les APQ

Projets du CNR

D’après la circulaire, 7300 écoles ou établissements (sur les 51 293) ont déposé un projet dans le cadre du CNR-éducation « Notre école, faisons-la ensemble » (conseil national de la refondation).

La circulaire confirme ainsi le passage d’une obligation de moyens de l’Etat pour tous les élèves sur tout le territoire, à une obligation de contractualisation permettant des financements, sur projet des équipes et sans tenir compte de critères sociaux ou scolaires dans la répartition de ces budgets. Par ailleurs, elle confirme aussi un “changement de culture” avec des rémunérations liées au Pacte, inégalitaires et mettant les enseignant.es en concurrence.

La circulaire de rentrée 2023 n’a de circulaire que le nom. Ce document de 6 pages révèle un énième, et dernier, discours du ministre Pap Ndiaye en totale continuité avec la politique éducative menée depuis ces six dernières années : de grands coups de communication sans moyens supplémentaires.
Il s’agit encore d’un texte hors sol qu’il sera difficile de mettre en œuvre dans les classes. Et, une fois encore, la professionnalité des enseignant·es est niée au profit d’injonctions descendantes.