Direction d’école : le sénat tente de faire sa loi

Mis à jour le 12.03.21

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Plus de huit mois après son passage à l’assemblée nationale en juin dernier, la loi « Rilhac » sur la direction d’école vient d’être discutée, amendée puis votée par le Sénat. Mais la navette parlementaire n’est pas terminée et nécessitera un nouveau passage à l’assemblée ou en commission mixte parlementaire. Point d’étape.

Si les modifications du Sénat apportent quelques modestes avancées, elles rétablissent surtout les contours d’un « statut » pour le ou la directrice d’école, lui conférant une « autorité fonctionnelle ». Certes elle n’inscrit pas l’autorité hiérarchique dans le texte, mais la permet. Le fonctionnement et la direction d'école risquent de subir des évolutions qui tournent le dos à son organisation collective. C’est pourtant celle-ci qui permet à l’école de tenir, particulièrement en ce moment. Ces transformations peuvent très vite déboucher sur la création d’un statut d’établissement dont les personnels de l’école ne veulent pas. Le Sénat reprend et renforce le texte initial assurant ainsi au ministre une voie pour redéfinir l’école primaire à sa guise en tournant le dos à ses particularités qui en font, à la fois, un des services publics les plus appréciés et un lieu de mise en œuvre d’un véritable collectif de travail au service de la réussite de toutes et de tous.

Revue de détail de la proposition de loi votée par le Sénat : 

Le noeud de l’article 1

Globalement les sénateurs permettraient dans leurs réécritures et amendements à la question du « statut » de revenir par la petite porte, alors même que l’ensemble de la profession avait écarté cette hypothèse dans les différentes enquêtes aussi bien syndicales que ministérielles.
Ainsi les sénateurs ont largement modifié l’article 1 de la loi. À la phrase « le directeur entérine les décisions qui sont prises en conseil d’école et les met en œuvre [...] Il organise les débats sur les questions relatives à la vie scolaire. Il bénéficie d’une délégation de compétences de l’autorité académique pour le bon fonctionnement de l’école qu’il dirige. », les sénateurs et sénatrices ont ajouté : « Il dispose d’une autorité fonctionnelle permettant le bon fonctionnement de l’école et la réalisation des missions qui lui sont confiées. » Et dans la foulée ils ont tenu à supprimer le passage qui indiquait que la directrice ou le directeur « n’exerce pas d’autorité hiérarchique sur les enseignants de son école. ». C’était pourtant un garde-fou important du projet initial et que les sénateurs et sénatrices majoritaires justifient en indiquant qu’il ne faut pas évoquer la question hiérarchique car c’est un terme clivant (sic).

Des modifications sur l’article 2

L’avancement accéléré des directrices et directeurs serait maintenu, ce qui créerait une iniquité de traitement au sein du corps, même si la phrase « aucune mesure de contingentement ne peut être opposée à leur avancement de grade » a été supprimée par la chambre haute.

Sur la formation, le Sénat a ajouté la mention d’une « formation certifiante  » nécessaire pour occuper une direction entièrement déchargée, induisant de fait trois catégories de direction d’école : les chargées d’école en classe unique, les écoles avec décharge complète et les autres. Il y a le risque de voir assimilées les plus grandes écoles à des « établissements », notion très récurrente dans les conclusions du grenelle de l’éducation. Enfin, à la phrase « Une offre de formation dédiée aux directeurs d’école leur est proposée tout au long de leur carrière » y a été ajouté « et obligatoirement tous les cinq ans ». Cette mention pourrait aboutir à un recul de la formation puisque la circulaire du 25 août dernier prévoit deux journées annuelles.

Sur les demandes de formation continue, un renforcement des prescriptions ministérielles est imposé aux directeurs et directrices avec l’ajout d’une mention dont il n’est pas difficile d’imaginer qu’elle a été dictée par la rue de Grenelle : « Le directeur d’école propose à l’inspecteur de l’éducation nationale en prenant en compte les orientations de la politique nationale, après consultation du conseil des maîtres, des actions de formation spécifiques à son école. »

Le principe de la décharge est affirmé dans la loi, mais la porte est ouverte à des appréciations allant au-delà du nombre de classes : « Cette décharge est déterminée en fonction du nombre de classes et des spécificités de l’école dont il assure la direction » et un amendement est venu ajouter que la décharge « doit lui permettre de remplir de manière effective l’ensemble de ses fonctions. ». Ceci pourrait être un point d’appui pour obtenir plus de décharge, sans que le directeur, la directrice ne doive se justifier mais en l’état, cela resterait difficile à évaluer précisément.

Concernant les missions, la phrase « Le directeur participe à l’encadrement du système éducatif », est maintenue alors que cette tâche est habituellement réservée aux IEN, DASEN et autres personnels ayant « autorité ». La possibilité de confier à la direction d’école des « missions de formation ou de coordination », comme par exemple le pilotage d’un PIAL, est confortée et « l’ensemble de ces missions est défini à la suite d’un dialogue tous les deux ans avec l’inspection académique ». Cet ajout pourrait induire la rédaction d’une lettre de mission et favoriser l’extension du profilage des postes de direction. Quid des conséquences du bilan effectué tous les deux ans lorsque les objectifs ne sont pas atteints ?

La non-participation des directeurs et directrices à l’encadrement des APC est maintenue, « sauf s’ils en font la demande ».

Enfin, un décret en Conseil d’État viendrait préciser « Les responsabilités des directeurs et directrices et les modalités d'évaluation spécifique de la fonction ». Il s’agit potentiellement d’une porte ouverte à une modification des responsabilités voire à de nouvelles responsabilités.

L'article 2 bis sur l’aide administrative a été modifié : « Lorsque la taille ou les spécificités de l’école le justifient, l’État met à la disposition des directeurs d’école les moyens permettant de garantir l’assistance administrative et matérielle de ces derniers. ». Même si cette aide administrative ne serait pas généralisée à toutes les écoles, et pas rendue obligatoire, il est inscrit que c’est à l’État de l’assumer et non aux collectivités locales. Rien n’est dit sur les personnels recrutés, ni les quotités de temps de travail de cette aide administrative, ce qui pourrait permettre au ministère de continuer d’avoir recours aux volontaires en service civique. Un amendement proposant le recrutement d’AED n’a pas été retenu.

L’article 3 : référent et référente

Cet article créant la fonction de référent ou référente pour les directions d’école (qui n’était lancé qu’à titre expérimental cette année) est adopté, en ouvrant la possibilité qu’il y en ait plusieurs au sein du département. C’est un décret qui définirait les missions et le recrutement de ces personnels qui doivent « déjà avoir exercé des missions de direction ».

Les articles 4 sur la possibilité de participer à l’organisation des temps périscolaires et 4 bis sur « le conseil de la vie écolière » sont supprimés par le Sénat. Pour le premier la possibilité était déjà ouverte de fait et pour le second ce serait plutôt une bonne chose puisque les autres membres de l’équipe pédagogique en étaient absents.

L'article 5 : élection des parents d’élèves

« L’élection des représentants des parents d’élèves au conseil d’école peut se faire par voie électronique sur décision du directeur d’école, après consultation du conseil d’école. » Le SNUipp-FSU, lors de ses interventions auprès des sénateurs et sénatrices, a porté cette dernière mention afin que cette décision ne soit pas celle d’une seule personne comme prévu dans le texte initial. Il a exprimé ses doutes sur la mise à disposition d’outils efficients favorisant le vote de toutes les familles.

Article 6

Cet article relatif au PPMS a été amendé comme indiqué en gras. « Ce plan est établi et validé conjointement par l’autorité académique, la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale gestionnaire du bâtiment et les personnels compétents en matière de sûreté. Le directeur donne son avis et peut faire des suggestions de modifications au regard des spécificités de son école. Pour cela, il peut consulter les personnels compétents en matière de sécurité. » La validation conjointe, portée par le SNUipp-FSU, permettrait d’alléger la responsabilité du directeur ou de la directrice, qui se contenterait de « donner un avis et faire des suggestions », quand il relève bien de la mairie et de l'éducation nationale au final « d’établir et valider » le plan de sécurité.

L'article 6 bis qui devait confier au Parlement la rédaction « d'un rapport évaluant l’impact du développement des outils numériques sur la simplification des tâches administratives pour les directeurs d’école » a été supprimé.