Guide de survie pour les repas de fin d'année
Mis à jour le 20.12.24
8 min de lecture
Temps de travail, vacances, salaires, conditions de travail… tout le monde a un avis sur l’école…. sans savoir ce qu’il en est vraiment ! Pour rendre les repas de fin d’année plus digestes, la FSU-SNUipp a concocté des petits argumentaires sur ces questions pour répondre au tonton grognon ou à mamie ancienne école entre le fromage et le dessert : un outil à mettre entre toutes les mains pour regagner en fierté enseignante !
Résister au prof bashing : le guide
SOMMAIRE
1. "Les profs travaillent peu"
2. "Les enseignants sont tout le temps en vacances"
3. "Enseigner, c’est facile, il suffit de suivre les manuels"
4. "Les profs sont trop payés pour ce qu’ils font"
5. "Les enseignant·es sont toujours absent·es"
6. "L'école n’apprend plus rien d’utile"
7. "Enseigner en maternelle, c’est de la garderie"
8. "Vous réutilisez les mêmes cours tous les ans"
9. "Les enseignant·es ont choisi leur métier, ils ne devraient pas se plaindre"
LE GUIDE
1. "Les profs travaillent peu"
Variante : "Ils finissent tôt et ont toutes leurs soirées et leurs WE de libres."
Le temps de travail des PE est de 24H en classe et 108H annualisées dédiées à différentes missions : aide personnalisée, conseil d’école, de cycle, réunion parents, formations obligatoires… Soit 27H par semaine. Temps auquel il faut ajouter les préparations de classe, les corrections, les rencontres avec les partenaires, les temps de liaisons avec les AESH ou les ATSEM… Sans parler de la préparation de projets tels que les sorties scolaires, classes découvertes, projets artistiques et culturels, etc.
En moyenne, le temps de travail des enseignant·es est estimé à 43h00 par semaine selon le Ministère (DEPP, 2022).
2. "Les enseignants sont tout le temps en vacances"
Variante : "Ils ne font rien pendant 4 mois par an !"
Le calendrier scolaire Français s’étend sur 36 semaines, il n’y a donc pas de classe 16 semaines par an. Ce rythme, alternant périodes de vacances et de classe, s’impose aux personnels car c’est celui des élèves.
Selon le Ministère, les enseignants et enseignantes travaillent en moyenne 34 jours sur ces périodes dites de vacances, soit pratiquement 6 semaines. Cela signifie qu’ils et elles ont 10 semaines de vacances réelles. Ces 10 semaines sont à mettre en lien avec les 43H00 de travail hebdomadaire. Sur-utilisation de la voix, travail avec des enfants en bas-âge de petite taille, bruit permanent,… Le métier enseignant procure une fatigue physique et mentale qui nécessite un temps de récupération régulier. À titre d’illustration, les chercheurs et chercheuses estiment que le nombre d’interactions entre un·e PE et ses élèves peut monter jusqu’à 1200 par heure.
3. "Enseigner, c’est facile, il suffit de suivre les manuels"
Variante : "N’importe qui peut être prof."
Si enseigner consistait seulement à suivre un manuel, nul doute que tout le monde pourrait. Pourtant, pendant le confinement, quel était le discours des parents qui avaient en leur possession les “cours” des profs de leurs enfants ? Que c’était compliqué ! Parce qu’ un ou une enseignante doit s’adapter à chaque élève, différencier, utiliser des stratégies différentes… autant de gestes professionnels qui nécessitent une expertise qu’on ne trouve pas dans les manuels.
Le choix des manuels lui-même n’est pas fait au hasard : il repose sur des critères pédagogiques et didactiques…. qui nécessitent un regard professionnel.
Enfin, les résultats de l’enquête internationale PISA de 2022 montre que ce qui permet la réussite des élèves dépend notamment du niveau de formation initiale et continue des personnels… Loin d’une simple application de manuels, enseigner est un métier complexe qui s’apprend.
4. "Les profs sont trop payés pour ce qu’ils font"
Variante : "Avec toutes leurs vacances, ils n’ont pas à se plaindre de leur salaire."
En France, les enseignant·es sont parmi les moins bien rémunéré·es de l’OCDE à qualifications équivalentes. En début de carrière, le salaire des PE n’atteint pas 1,5 fois le SMIC malgré l’exigence d’un bac +5. Et, au bout de 15 ans de carrière, les PE ne touchent que 1,7 fois le SMIC en moyenne !
D’ailleurs, les profs sont tellement bien payé·es que tous les ans, les candidatures manquent au concours et qu’il y a une crise d’attractivité liée en partie à la condition salariale comme le montrent des enquêtes journalistiques, syndicales… et ministérielles.
5. "Les enseignant·es sont toujours absent·es"
Variante : "Ils prennent des congés maladie dès qu’ils le peuvent."
Les chiffres montrent que les enseignant·es ne sont pas plus absent·es que le reste des salarié·es. Malgré une exposition quotidienne aux virus et aux bactéries bien supérieure à une énorme majorité d’autres métiers, le nombre de jour d'arrêts maladies est, d’après l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), identique entre le secteur privé et les enseignantes et enseignants avec une moyenne de 11,7/jours par an.
Par contre, il y a un réel problème de remplacements des enseignant·es absent·es ! Pour que les élèves ne perdent pas d’heures de classe, il faut recruter pour que les absences soient remplacées.
6. "L'école n’apprend plus rien d’utile"
Variante : "Les enfants ne savent plus lire, écrire ou compter."
« La décadence est réelle, elle n’est pas une chimère, il est banal de trouver vingt fautes d’orthographe dans une même dissertation littéraire.” C’est ce qu’écrivait Noël Deska, auteur, en 1952… Tout comme Platon se plaignait du niveau de ses élèves qui ne faisait que baisser ! Ce qui montre bien que chaque génération pense que l’école fait moins bien qu’avec la génération précédente.
Les chercheurs et les chercheuses sont unanimes : il n’est pas possible de donner une évolution générale. Il faut nécessairement détailler par niveau d’étude, par discipline et, à l’intérieur de celle-ci, par ce qui est travaillé, le type de compétences, les écarts entre les meilleurs élèves et les plus faibles… De plus, la société évolue et les savoirs et compétences aussi. On ne demande plus la même chose aux élèves présent·es dans les classes aujourd’hui qu’à ceux et celles qui fréquentaient l’école il y a 30 ans.
De quelle baisse de niveau parle-t-on si les résultats en orthographe sont moins bons en 2024 qu’en 2000 mais que l'éducation aux médias progresse par exemple ? Et comment évaluer une “baisse” de moyenne si le niveau médian augmente ? Et surtout comment expliquer les progrès scientifiques si le niveau scolaire baisse partout depuis toujours….
Pour résumer, comme le disait Pierre Merle, sociologue de l’éducation : «Dire que l’école française s’effondre est schématique. Affirmer le contraire est tout aussi contestable.»
7. "Enseigner en maternelle, c’est de la garderie"
Variante : "Pourquoi faut-il un bac+5 pour faire jouer des enfants ?"
Enseigner aux jeunes enfants nécessite une pédagogie fine pour favoriser l’éveil, le développement langagier et moteur, le vivre ensemble,... ainsi que les premières notions fondamentales.
Contrairement aux idées reçues, c’est justement parce que les enfants sont tout petits qu’il faut une connaissance d’une construction des savoirs adaptée à leur développement. Enseigner en maternelle c’est prendre en charge le plus tôt possible la lutte contre la reproduction des inégalités sociales. Comme le dit Bernard Lahire dans son enquête Enfance de classes : « L’école maternelle n’est pas qu’un jeu d’enfant».
8. "Vous réutilisez les mêmes cours tous les ans"
Variante : "Une fois que c’est fait, c’est tranquille, non ?"
Un ou une prof garderait donc le même niveau pendant plus de 40 ans ? Les élèves seraient toutes et tous les mêmes tous les ans ? Les programmes ne changeraient jamais ?
Ce qui permet de gagner du temps entre un début et une fin de carrière dépend bien plus de l’expertise accumulée par les enseignant·es que d’un supposé immobilisme pédagogique.
Il faudrait aussi s’enlever de la tête que les enfants seraient les mêmes d’une année sur l’autre : quand on parle d’enfants, on ne parle pas de clones identiques. Donc chaque enfant a ses propres biais, difficultés comme facilités, compétences et savoirs accumulés qui obligent les PE à réadapter leurs apprentissages tous les ans même si leur niveau n’a pas changé.
Enfin, si l’on parle des programmes, les derniers de 2015 ont été révisés en 2020 puis changés en 2024… toujours aussi tranquille d’enseigner ?
9. "Les enseignant·es ont choisi leur métier, ils ne devraient pas se plaindre"
Variante : "Si c’est si dur, pourquoi ils ne changent pas de travail ?"
Choisir un métier est une chose, mais à quel moment cela justifierait l’acceptation de mauvaises conditions de travail, de rémunération ou de reconnaissance ?
Dans tous les métiers, sans exception, les salarié·es veulent améliorer leurs conditions de travail : les enseignantes et enseignants ne devraient pas ? Au regard de la crise d’attractivité marquée par plus de 1000 postes non pourvus chaque année, c’est pourtant légitime.
Et différence de taille avec d’autres salarié·es, les enseignant·es se battent pour leurs conditions de travail mais aussi pour l’amélioration des conditions d’apprentissage des élèves : il y a des personnes qui sont contre ça ?
Sur toutes ces idées fausses véhiculées sur l’école, Louise Tourret, productrice de l’émission “Etre et Savoir” sur France Culture et spécialiste des questions d’éducation a écrit un livre très instructif intitulé : “En finir avec les idées fausses sur l’école”. Elle était l’invitée de notre 23eme Université d’automne.