Harcèlement : aller au delà de la communication

Mis à jour le 29.09.23

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La lutte contre le harcèlement est un enjeu de première importance pour l’école mais aussi pour la société. Dans les écoles primaires, c’est près de 12% des élèves qui seraient concernés.
Les enseignantes et les enseignants sont mobilisés depuis longtemps pour lutter contre et doivent aujourd’hui intégrer de nouveaux textes contre le harcèlement et le cyberharcèlement à l’école.

Harcèlement : des annonces multiples

Élisabeth Borne a annoncé un plan interministériel de lutte contre le harcèlement à l’école, supposé corriger des années d’attentisme sur ce dramatique phénomène de société. Dans une liste de mesures concernant aussi justice, sport et santé, l’Éducation nationale est en première ligne. 

Un volet prévention prévoit des « cours d’empathie », expérimentés dans des écoles maternelles pilotes dès janvier 2024. Le ministère annonce également un renforcement de la formation dans le cadre du programme pHARe et le déploiement d’équipes académiques
d’intervention. En cas de plainte, la saisine du procureur à travers une plateforme dédiée sera systématique, sans prise en compte a priori du jeune âge du public. Confiscation du portable et exclusion des réseaux sociaux s’ajoutent à la sanction de changement d’école déjà arrêtée par décret cet été. L’approche éducative de ce plan reste très dépendante des moyens alloués in fine à la prévention. À ce jour, seuls 1 000 services civiques sont supposés renforcer des équipes pédagogiques toujours en attente de moyens, de temps et de formation. Il est fort à parier qu’elles seront à nouveau seules à affronter la problématique.

Le 9 novembre : journée de lutte contre le harcèlement

Parmi les annonces, Gabriel Attal a avancé la mise en place de deux heures banalisées le jeudi 9 novembre consacrées à la lutte contre le harcèlement. Le ministère envisage la mise en place d’un kit pour les équipes pédagogiques avec un questionnaire pour les élèves à partir du CE2. Il s’agira d’une grille d’auto évaluation sur le harcèlement qui est en cours de finalisation. Ce recueil d’informations est important pour déceler toute situation de harcèlement mais l’annonce précipitée de la mise en place de ces deux heures dédiées à la lutte contre le harcèlement risque de mettre en difficulté les équipes. La lutte contre le harcèlement est un
travail qui doit être mené sur le long terme, les enseignant·es doivent pouvoir s'approprier les outils. Cela nécessite du temps, de la formation mais aussi du personnel supplémentaire dans les écoles. Les PE se trouvent souvent isolés et ont besoin de psychologues, de personnels sociaux et de santé mais également des personnels de réseau d’aide, tels que les maîtres et maîtresses G à dominante relationnelle. Toutes les enquêtes le montrent, pour déceler et traiter les cas de harcèlement, il faut des équipes pluriprofessionnelles. 

La FSU-SNUipp restera attentive à ce que cette journée du 9 novembre ne soit pas seulement l’occasion d’une opération de communication pour le ministère.

Des cours d’empathie à l’école

L’autre annonce importante du discours du ministre sur la lutte contre le harcèlement à l’école est la mise en place de façon expérimentale dès janvier puis obligatoire dès la rentrée prochaine de cours d’empathie à l’école primaire.
S’il est plutôt positif de voir que le ministère sort un peu des fondamentaux maths et français, cela pose question sur le sens de ce qui pourrait être mis en œuvre. Les compétences sociales telles que l’estime de soi, la gestion des émotions, la communication non violente ou encore l’empathie sont importantes pour le climat scolaire et ce dès la maternelle. Pour autant, beaucoup de choses sont déjà mises en place : méthodes spécifiques, débat philo, travail autour d’albums et le ministère serait bien inspiré de s’appuyer sur les compétences et la professionnalité des enseignantes et enseignants sur ce sujet. Par ailleurs, rien n’est annoncé sur une quelconque formation sur le sujet. Enfin la prévention reste la solution première mais pour cela les conditions d’enseignement sont aussi primordiales : il faut des effectifs allégés dans toutes les classes pour que ces compétences transversales puissent être mises en place. Ce plan harcèlement sans moyens supplémentaires au vu du budget 2024 risque donc d’être une énième opération de communication laissant au final les personnels seuls responsables en cas de harcèlement avéré.

Les différents plans et initiatives nationales ne doivent pas faire oublier que l’école doit aussi être un lieu de réflexion et d’enseignement propice à un climat scolaire de qualité où des situations de harcèlement ne pourraient pas s’installer.