Harcèlement : une journée sans anticipation…

Mis à jour le 03.11.23

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Dans la foulée de l’annonce du « plan harcèlement », le Ministère de l’Éducation Nationale a organisé une série de réunions avec les organisations syndicales sur la question de la journée du 9 novembre, journée de lutte contre le harcèlement. Après seulement cinq groupes de travail avec les organisations syndicales, le décret a été présenté en Conseil Supérieur de l'Éducation le 19 octobre, l’avant-veille des vacances !

Dès le départ, la FSU-SNUipp a souligné que le harcèlement méritait mieux qu’un énième coup de communication pour la journée du 9 novembre.

En effet, cela nécessite de la formation et des moyens humains (Rased complet, psychologue scolaire, personnels sociaux et de santé) mais également des effectifs allégés en classe. Or, rien n’est prévu dans le plan de ce point de vue-là.
Une fois encore , le ministère impose et ordonne, sans moyens supplémentaires, et en reportant la responsabilité sur les équipes.

CE QUI EST PRÉVU

  • Deux heures banalisées doivent être mises en place partout entre le 9 et le 15 novembre.
  • Un kit et des ressources pédagogiques sont disponibles sur Eduscol et sur la plateforme pHARe.
  • Un questionnaire d’auto-évaluation anonyme pour les élèves du CE2 à la terminale accompagné d’un guide de passation
  • Une restitution aux familles est imposée; à noter qu’un flyer grand public sera à disposition pour les familles.
  • Une remontée de certains questionnaires est demandée pour un échantillonnage statistique par la DEPP : ce sera un échantillon représentatif qui ne donnera pas de travail en plus selon le MEN. Les concernés devront seulement mettre sous pli les questionnaires pour envoi.

LE CALENDRIER

La FSU-SNUipp alerte depuis le début sur le calendrier : la semaine précédant les vacances, rien n’avait été envoyé aux écoles et établissements sur le dispositif envisagé le 9 novembre !
Lors du dernier groupe de travail du 17 octobre, les organisations syndicales dont la FSU-SNUipp ont demandé que le questionnaire ne soit pas imposé LE 9 novembre. C’est ce qui a été finalement retenu, avec une passation étalée sur une courte période entre le 9 et le 15 novembre.
Cependant, au vu du timing , cela ne règle en rien la question de la prise en main du dispositif par les équipes : temps de concertation, de réflexion, préparation en amont des élèves d’ULIS et UPE2A, utilisation des ressources mises à disposition, appel à des personnels spécialisé·es quand cela est possible..).

LE QUESTIONNAIRE

Le ministère a mis en place 3 questionnaires différents (élémentaire / collège / lycée), sous une forme d’auto-évaluation.
Toutefois, dès le départ il était difficile de cerner l’objectif de ce questionnaire (analyse de la parole des élèves, pour faire de la prévention ou pour obtenir une analyse chiffrée…)
La FSU-SNUipp, avec la FSU, a insisté pour que le cadre d’utilisation de ces questionnaires soit clarifié. Avec un questionnaire anonyme, les enseignantes et enseignants ne pourront pas traiter les situations individuelles qui apparaîtraient . Là où une exploitation à l’échelle de la classe et de l’école permettrait d’aborder le point crucial du climat scolaire qui englobe, entre autres, le harcèlement à l’école. 

Ce choix assumé par le ministère de proposer des questionnaires anonymes, rend l’appropriation de cet outil par les enseignantes et enseignants difficile puisqu'il ne sera pas possible d’agir directement. De plus, elles et ils devront ramasser et corriger ces questionnaires apparaissant comme une nouvelle charge de travail imposée.

Suspicion de situation de harcèlement

En cas de suspicion de harcèlement, la famille sera reçue et l’élève invité·e à remplir un nouveau questionnaire, nominatif celui-ci…
Mais comment identifier les situations nominativement à partir d’un questionnaire anonyme ? Et quelle prise en charge, quelle procédure, sur quels temps ?

Pour la FSU-SNUipp, la lutte contre le harcèlement en milieu scolaire s’inscrit dans la durée, avec des personnels formé·es et ne peut se résumer à un questionnaire. 

LE GUIDE DE PASSATION

Un guide avec des conseils de passation accompagne les questionnaires. Dans sa version initiale, plutôt axé second degré, il prévoyait un cadre rigide pour les PE.
A la demande de la FSU-SNUipp, le ministère est revenu sur ce point admettant qu’il fallait “laisser de la souplesse et faire confiance aux enseignant·es” (sic).

Le guide reste cependant éloigné de la réalité du terrain, en particulier pour le 1er degré. Par exemple, il est prévu que dans le second degré les 2 heures banalisées puissent être faites en co-intervention par 2 enseignant·es alors que rien n’est envisagé pour que cela puisse exister dans le premier degré. De la même manière, il est régulièrement question de “personnels” (CPE, AED, Psy EN,...) disponibles pour les élèves “qui auraient besoin d’être reçus”. Au regard des moyens disponibles et de la rareté de ces personnels dans les écoles, c’est encore un affichage pour l’opinion publique.

Ce traitement différencié entre primaire et secondaire est malheureusement récurrent et malvenu. Il ne peut être que mal perçu sur le terrain comme l’a déjà souligné la FSU-SNUipp.

LA RESTITUTION AUX FAMILLES

Bien qu’une certaine souplesse d’organisation soit laissée aux écoles, la restitution aux familles est exigée et imposée par le ministère.
C’est un exercice complexe et risqué, qui peut mettre les personnels en difficulté. Exercice directement lié à la question de la formation : comment on discute de ça avec les parents d’élèves ? A quelle restitution procède-t-on ? Quel sens cela aura-t-il ?...
Ici aussi, la question du manque de personnels à qui l’on pourrait souhaiter faire appel pour être accompagné face aux familles est prégnante.

Ce questionnaire risque d’être avant tout un outil statistique au service d'une politique porteuse auprès de l'opinion publique, quitte à ignorer toutes les questions de faisabilité évoquées par l'ensemble des syndicats et l'aspect qualitatif du travail.

La lutte contre le harcèlement en milieu scolaire, et sa prévention, est un sujet essentiel. Mais, l’enjeu est trop important pour que les initiatives ne servent qu’à des fins statistiques et de communication. Les différents plans et initiatives nationales ne doivent pas faire oublier que l’école doit aussi être un lieu de réflexion et d’enseignement propice à un climat scolaire de qualité où des situations de harcèlement ne pourraient pas s’installer.