Le Ministre présente ses projets pour l’école

Mis à jour le 30.08.22

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C’est lors de la traditionnelle conférence de presse de rentrée que le ministre de l’Éducation nationale décline son projet pour l’école : recrutement de personnels, revalorisation salariale, politique éducative… Si les annonces sont nombreuses, certaines sont nouvelles mais d’autres restent dans la continuité avec le précédent quinquennat.

Si, sur la forme, le nouveau ministre diffère de son prédécesseur dont le mépris était devenu insupportable, la politique éducative semble poursuivre la même ligne. Alors que la rentrée est marquée par la pénurie d'enseignants, les principales annonces tant salariales que pédagogiques ne répondent pas aux urgences et font craindre un développement de la concurrence entre les écoles et une division des personnels entre eux.

Recrutement de personnels contractuels

Le Ministre annonce l’ouverture, au printemps 2023, d’un concours exceptionnel de titularisation pour les enseignants et enseignantes contractuelles. Bonne nouvelle pour les personnels concernés mais les modalités restent à définir et notamment sur la formation qui suivra ce concours . De plus, cela interroge fortement sur deux aspects :

La formation des personnels contractuels doit être de haut niveau pour permettre aux enseignantes et enseignants de posséder les compétences nécessaires à la réussite de l’ensemble des élèves. Quatre jours de formation ne peuvent suffire. Un réel accompagnement de ces PE est nécessaire tout au long de l’année ainsi qu’une véritable formation continue.

“Une organisation aussi vaste que l’éducation nationale a besoin d’un volant d’enseignants contractuels.” rappelle le Ministre. Il est à craindre, sur un temps plus long, qu’une concurrence entre deux voies d’accès au métier s’instaure (CRPE et recrutement de PE contractuel·les). La principale voie d’accès aux corps de professeurs des écoles doit rester le CRPE.

Afin de répondre à la crise du recrutement actuel et favoriser la démocratisation du métier, le recours aux personnels contractuels n’est pas une bonne solution. D’autres voies, dont le pré-recrutement, doivent être creusées, au-delà d’aspects structurels comme l’augmentation des salaires ou l’amélioration des conditions de travail.

Revalorisation salariale

Pap Ndiaye annonce une hausse globale de 10% pour l’ensemble de la profession sans qu’aucun calendrier précis ne soit donné. Dans le même temps, il évoque la revalorisation des débuts voire des milieux de carrière, excluant de fait les fins de carrière. La “répartition” de cette augmentation, entre l’ensemble des personnels sera donc un enjeu essentiel des concertations à venir. A noter que pour les débuts de carrière, 10% ne seront pas suffisants pour passer le seuil des 2000 €/net par mois.

Une autre augmentation de 10% serait conditionnée à l’exercice de nouvelles missions dans le cadre d’un “pacte enseignant”, déclinaison actuelle de l’antienne “travailler plus pour gagner plus”. Payer plus des heures qui sont effectuées sur des missions supplémentaires ne peut pas participer d’une revalorisation et participera du renforcement des inégalités femmes/hommes.

Ces annonces font suite au dégel du point d’indice de 3,5% obtenu par le SNUipp-FSU et qui s’est matérialisé sur les fiches de paie durant l’été. Une avancée, mais qui reste nettement insuffisante et ne peut être qu’un début pour revaloriser réellement les grilles salariales pour faire face à l’inflation galopante.

Une revalorisation immédiate de 300 euros par mois et, à terme, une augmentation des grilles de 100 points d’indice est nécessaire sans être conditionnée à de nouvelles missions. Elle doit concerner tous les personnels, quelle que soit leur ancienneté, afin de rattraper le retard salarial accumulé depuis de trop nombreuses années. Cette revalorisation doit se faire sans contrepartie. C’est d’ailleurs le sens de l’appel FSU à la grève du 29 septembre prochain avec la CGT et Solidaires.

Effectifs

Le Ministre poursuit le dédoublement des classes de grandes sections en éducation prioritaire et la limitation à 24 élèves dans toutes les classes de GS, CP, CE1 hors éducation prioritaire. A ce jour, aucune évaluation du dispositif de dédoublement des classes, n’a été réalisée. Cela a pour conséquence, dans un contexte de pénurie de personnels, d’augmenter les effectifs dans les autres niveaux de classe d’une même école ou dans d’autres écoles. Par ailleurs, le manque d'enseignantes et d’enseignants en cette rentrée ne permettra pas partout la limitation à 24 élèves par classe ainsi que le dédoublement des GS en Éducation Prioritaire. Il y a fort à parier que les ajustements de carte scolaire seront difficiles partout.

Au moment où le ministre parle de laisser plus de place à l’échelon local, la liberté d’organisation de l’école (dédoublements, PMQDC, réduction des effectifs à tous les niveaux de classe…) doit être aux mains des équipes. Le recrutement massif de PE, pour arriver partout à un maximum de 22 élèves par classe et 18 en éducation prioritaire, est nécessaire.

Innovation pédagogique

500 millions d’euros seront dédiés à l’innovation pédagogique (fonds annoncé pour 5 ans pour l’ensemble des écoles et établissements du second degré). Une annonce en lien avec la généralisation de l’expérimentation marseillaise qui sonne comme un renforcement de la contractualisation des moyens des écoles en fonction de critères fixés par l'institution. Ce qui aura pour conséquence de mettre en concurrence les écoles entre elles.
Parallèlement le ministre annonce le développement des cités éducatives et de contrats locaux d’accompagnement, la généralisation des évaluations d’école, de nouvelles évaluations nationales sur échantillon pour les CM1.
Le pilotage par les résultats n’est plus un risque mais devient une réalité.

C’est une école à plusieurs vitesses qui se met en place. Les évaluations d’école doivent être abandonnées et une motion de conseil des maîtres est disponible pour les équipes qui ne souhaitent pas entrer dans ce dispositif

Autres annonces

D’autres annonces peu précises ont été évoquées: grand plan maternelle, révision de la carte REP,… Ce flou inquiète légitimement.
Il en est de même pour les annonces sur le bâti scolaire, dont la rénovation est indispensable au vu de la crise écologique actuelle, mais pour laquelle l’État se défausse financièrement sur les collectivités locales.

Cette rentrée, placée sous le signe de la crise du manque de personnels, ne diffère au final pas assez de la précédente. Un plan d’urgence pour l’école est nécessaire. Le Ministère ferait bien de s’inspirer du livre blanc du SNUipp-FSU : une école ambitieuse, bienveillante envers ses personnels au service de la réussite de toutes et tous.