Programmes : des projets qui choquent !

Mis à jour le 12.04.24

4 min de lecture

Le Conseil supérieur des programmes (CSP) a publié les  projets de programmes en français et mathématiques pour les cycles 1 et 2. Sans surprise, ils sont dans la droite ligne de la lettre de saisine de Gabriel Attal du 8 janvier dernier.  Écrits pour mettre en musique le « choc des savoirs », déjà décrié par la profession, ces nouveaux programmes renforcent, une nouvelle fois, les  « fondamentaux » dès la maternelle. Leur objectif est également de mettre  sous tutelle les pratiques enseignantes. La FSU-SNUipp en livre une première analyse.

Présentés dès leur annonce comme une des pièces du puzzle du « choc des savoirs », les projets de programmes confirment à la lecture les plus vives inquiétudes.

Des programmes complètement réécrits

Le CSP ne s’est pas contenté d’amender les programmes existants mais les a complètement réécrits et réorganisés : un changement de paradigme des programmes tant sur la forme que sur le fond.

Au cycle 1 :

« Mobiliser le langage dans toutes les dimensions » se trouve remplacé par « le programme de français du cycle 1 » et « acquérir les premiers outils mathématiques » devient le « le programme de mathématiques de cycle 1 ». L’école maternelle ne s’adapte plus aux jeunes enfants avec des modalités d’apprentissages spécifiques mais s’aligne sur le fonctionnement de l’école élémentaire jusque dans le vocabulaire employé
Le français et les mathématiques « préparent à l'acquisition des savoirs fondamentaux [...] dispensés au CP ». Les programmes sont structurés par âge, avec des objectifs et des exemples de réussite mais aussi des points de vigilance pour les PE.

Au cycle 2 :

La logique et la structure des programmes sont identiques à ceux du cycle 1 : préambule, objectifs, exemple de réussite, points de vigilance.

En français, un tableau récapitulatif de ce que chaque élève doit faire tous les jours, toutes les semaines, dans l’année en lecture, écriture, à l’oral, en vocabulaire, grammaire et orthographe suit le préambule. Des objectifs très précis sont notés comme par exemple en fin de période 1, l’élève doit « déchiffrer et encoder 12 à 15 correspondances grapho-phonémiques (CGP), en milieu d’année, de 25 à 30 CGP et entre 15 et 30 mots minute, en fin d’année 50 mots minute ». Les élèves sont régulièrement évalués et les PE doivent se référer aux résultats des évaluations nationales.

Le programme de mathématiques est encore plus détaillé, il s'apparente davantage à un guide du maître. Sous couvert de rendre « plus explicites et opérationnels les objectifs indiqués afin d’aider les professeurs dans la préparation et la mise en œuvre des séquences d’enseignement », les PE se retrouvent enfermés dans un véritable carcan. Des indications temporelles très précises sont également données pour aborder certaines notions.  « Au plus tard en période 2, les élèves travaillent avec des quantités et des nombres allant jusqu’à 59. Au plus tard en période 3, les élèves travaillent avec des quantités et des nombres allant jusqu’au 100 ».
Les exemples de réussite associés sont parfois décrits comme non exhaustifs ou non prescriptifs mais vont jusqu’à structurer l’ensemble des activités à mener.
La posture et les gestes pédagogiques y sont même détaillés. Là aussi, des objectifs chiffrés très précis sont donnés comme par exemple la restitution de neuf résultats de calcul mental en trois minutes en fin de CP, douze en fin CE1 et quinze en fin CE2. Les élèves sont là aussi régulièrement évalués.

Un modèle d’élève imaginaire

La structure des projets de programmes est réalisée en fonction de l’âge des élèves comme si tous apprenaient en même temps au même moment. Quid des rythmes différents d’apprentissage ?

La prise en compte d'éventuelles difficultés en français est renvoyée à une prise en charge dans “de petits groupes de compétences” pour le cycle 1 et en dehors du temps scolaire, lors des APC, pour le cycle 2.

Les élèves, à commencer par les plus éloignés de la culture scolaire, vont pâtir de cette normation étriquée, accompagnée d’évaluations elles aussi standardisées. Avancer dans ses apprentissages est un processus qui se construit par l’élève en relation avec l’enseignant·e et ses pairs. Des élèves en situation de fragilité, grâce à des entrées différenciées, des méthodes variées, ne sont pas à l’heure actuelle mis en échec.

Avec ces nouveaux programmes, les conditions de travail des personnels seront détériorées par un contrôle renforcé de l’institution et davantage d’élèves mis en difficulté.

Défendre la liberté pédagogique

La liberté pédagogique s’exerce à l’intérieur des programmes, textes réglementaires . Celle-ci se retrouve, de fait, fortement remise en cause.

La FSU-SNUipp organise avec la participation de chercheuses et chercheurs un webinaire le 6 mai prochain pour informer et décrypter le “choc des savoirs” (tri des élèves, labellisation des manuels, nouveaux programmes)

webinaire choc des savoirs

La FSU-SNUipp appelle l’ensemble des personnels à continuer à s’opposer en poursuivant leurs mobilisations multiformes contre “le choc des savoirs”.