10% des saisines par les enfants
Mis à jour le 18.06.21
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Interview de Claire Hédon, défenseur des droits (DDD) et notamment ceux des enfants.
Claire Hédon, défenseure des droits (DDD), est notamment en charge de la défense des droits de l’enfant et s’assure qu’en toutes situations leur intérêt supérieur et leurs droits soient respectés.
Les saisines concernant les mineurs ont-elles évolué ?
Près de 100 000 réclamations ont été adressées à l’institution en 2020 dont deux tiers représentent les difficultés des usagers auprès des services publics, le reste se répartissant entre les discriminations, la déontologie des forces de sécurité, l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte et les droits des enfants. Depuis 2014, les saisines concernant les mineurs ont augmenté de plus de 10%. En 2019, 3 016 situations ont été traitées contre 2 758 en 2020, une légère baisse liée au confinement. L’institution est restée ouverte mais les équipes ont exercé à distance lors du premier confinement. Or, une partie des réclamants a besoin de contacts directs pour être accompagnée dans ses démarches. Depuis le début de l’année 2021, les saisines, toutes missions confondues, ont massivement augmenté, de plus de 20 à 25% par rapport à l’année dernière.
“Seules 10% des saisines émanent directement des enfants”
Quels sont les motifs ?
En 2020, sur la défense des droits de l’enfant, le motif principal de saisine concerne la protection de l’enfance avec 30,7%. 26,1% des saisines portent sur l’éducation, la petite enfance, la scolarité et le périscolaire, 16,6% sur la santé et le handicap, 12,1% sur la filiation et la justice familiale, 10,2% sur les mineurs étrangers et 4,3% sur la justice pénale, l’adoption et autres réclamations. Les réclamations mettent en cause le fonctionnement d’établissements accueillant des mineurs et dénoncent des violences envers les enfants au sein des institutions publiques, le non-respect de décisions de justice ou une mauvaise prise en compte de la santé des enfants pris en charge en protection de l’enfance. Le harcèlement scolaire, la question de l’insertion des élèves handicapés, les refus d’inscription à l’école ou d’accès à la cantine représentent aussi un grand nombre de saisines. Seules 10% des saisines émanent directement des enfants, c’est bien trop peu. Nous avons encore un gros travail à faire pour être connu du public ! Informer systématiquement les enfants sur leurs droits est essentiel pour leur faire prendre conscience qu’ils en ont et les informer sur les moyens de recours s’ils sont en difficulté.
Quel impact a la crise sur les droits des enfants ?
La crise a touché particulièrement les personnes les plus vulnérables, dont les enfants. La crainte que nous avons est que cela les touche durablement. Sur la question de l’accès à l’éducation, les confinements ont mis en exergue et accentué les difficultés sociales déjà existantes. Les enfants et adolescents ont été privés de liens sociaux, de sorties, de sport, de loisirs et ressentent l’angoisse vécue par les parents. Les médecins alertent sur les effets de la crise sur leur santé mentale. D’autres réclamations ont aussi émergé comme des enfants refusés à l’entrée de supermarchés, la possibilité par les juges des enfants de prendre des décisions sans respecter le principe du contradictoire ou encore des enfants mineurs en détention laissés sans aucune éducation et visite. Les décisions publiques ont souvent été prises sans penser à l’impact sur les enfants. Il a fallu attendre février 2021 pour qu’une pédopsychiatre soit nommée au Conseil scientifique créé en mars 2020, soit près d’un an après.
“Informer systématiquement les enfants sur leurs droits est essentiel
pour leur faire prendre conscience qu’ils en ont"
Le pass sanitaire peut-il être une atteinte aux droits des enfants ?
Nous sommes à la fois dans une inégalité d’accès au vaccin et dans un non-respect des droits de l’enfant. La loi ne spécifie pas du tout si les mineurs sont concernés. Aucune autorité n’a pris en compte cette population dans l’élaboration du pass sanitaire. Une ouverture à la vaccination va se mettre en place pour les 12-15 ans mais ils n’auront pas les deux doses nécessaires avant l’été. Les enfants vont-ils devoir passer un test à chaque fois qu’ils vont assister à des évènements où il y a plus de 1000 personnes ? Si le souhait n’est pas d’inclure les mineurs dans ce dispositif, ce que je préconise, cela devrait être indiqué de manière claire dans la loi en exemptant de façon explicite les mineurs ou en fixant un âge limite avec des modalités adaptées.