Bâti scolaire: une urgence !
Mis à jour le 18.06.21
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Crise sanitaire, défis climatique, enjeux pédagogiques et les espaces scolaires
La crise sanitaire, les défis climatiques et les enjeux pédagogiques bousculent l’organisation des espaces scolaires hérités de Guizot et Jules Ferry. La France doit repenser son modèle d’architecture scolaire et rattraper son retard sur les autres pays européens.
Distanciation physique dans les cours de récréation, à la cantine et dans les classes, obligation pour les enfants de se laver les mains sept fois par jour, ventilation des locaux, apprentissages en demi-jauge… La crise de la Covid-19 et le protocole sanitaire ont placé le bâti scolaire au cœur des réflexions sur l’école d’aujourd’hui. Déjà sensibilisés à l’impact du dérèglement climatique sur les conditions d’apprentissage des élèves et sur leur propre environnement de travail, les enseignants et enseignantes ont pu éprouver pendant la pandémie les nombreuses difficultés à exercer leur métier dans des locaux généralement inadaptés et peu modulables.
N’ayant quasiment pas évolué depuis Jules Ferry, l’organisation de l’espace scolaire apparaît, en effet, aujourd’hui en profond décalage avec les exigences pédagogiques, sanitaires et climatiques du XXIe siècle. Intégrer la place du numérique dans les classes, concevoir des bâtiments capables de résister aux épisodes caniculaires, imaginer des locaux plus sobres sur le plan énergétique, adapter l’architecture à l’inclusion scolaire ou à d’autres formes pédagogiques (autres que celle d’un enseignant avec une classe en autobus), tels sont les enjeux qui se posent aux collectivités chargées de construire et d’entretenir les écoles maternelles et élémentaires. Or, les collectivités locales sont loin d’être égales pour tenir de tels objectifs. Si la capacité d’investissement des villes constitue un élément clé pour construire et entretenir les bâtiments scolaires, la volonté des élus en matière de politique éducative joue également un rôle essentiel. Ainsi, le patrimoine bâti, dans un pays qui compte 44 455 écoles publiques, est loin d’avoir la même qualité à travers les territoires. Une inégalité dénoncée par le SNUipp-FSU qui propose d’adosser les programmes de construction et de rénovation à un financement national
La France, bonnet d’âne de la surface par élève
Si la crise sanitaire a mis en évidence l’inadaptation du modèle français de bâti scolaire, elle a également permis de constater que la France accuse un réel retard par rapport à de nombreux pays économiquement comparables. « Quand on compare nos surfaces de classe avec d’autres pays, on est bon dernier, observe Suzanne Déoux, médecin et spécialiste de l’ingénierie de santé dans le cadre bâti et urbain. La surface libre par élève est de 1 m2 en France (alors qu’elle était de 2 m2 dans les années 1950) et atteint 4,30 m2 dans plusieurs pays européens et même 7,2 m2 au Danemark ». Au-delà de cette notion d’espace, les bâtiments scolaires français offrent aux élèves et aux enseignants une organisation peu favorable à la mise en œuvre d’autres pratiques pédagogiques. « Résumer la fonction de l’école à des apprentissages purement scolaires est une vision réductrice. Il y a les apprentissages formels, mais aussi le corps, les sens, le développement artistique, le vivre ensemble… », souligne l’universitaire Pascal Clerc.
Rendre les écoles plus habitables
Sur le terrain, des initiatives voient toutefois le jour pour offrir aux enfants un bâti scolaire à la fois soucieux de leur santé et prenant mieux en compte l’environnement. Ainsi, à Fégréac (Loire-Atlantique), une commission extra-municipale réunissant élus, personnels enseignants et scolaires, parents d’élèves et élèves a permis de doter le village d’une école maternelle ouverte sur la nature environnante, économe en énergie et bénéficiant d’une bonne isolation phonique et thermique. « Les ateliers ouverts sur l’extérieur permettent aux élèves de se concentrer davantage sans qu’ils se sentent enfermés ni dérangés par le groupe classe », témoigne Marie-Agnès Cadiet, enseignante en petite section.
“Résumer la fonction de l’école à des apprentissages purement scolaires est une vision réductrice .Il y a les apprentissages
formels, mais aussi le corps, les sens, le développement artistique, le vivre ensemble…”
À Marseille, les équipes pédagogiques de l’école élémentaire National s’appliquent à surmonter les difficultés inhérentes aux conditions socio-économiques de ce quartier défavorisé et à la forme du bâtiment -un ancien bureau de poste- mis à la disposition de la communauté éducative. Exiguïté des classes, locaux délabrés, cour de récréation enclavée entre les immeubles voisins, trottoirs trop étroits, mauvaise isolation phonique…. Dans l’intérêt des enfants, les enseignants n’hésitent pas à mettre eux-mêmes la main à la pâte pour améliorer ce qui peut l’être. La conception des bâtiments scolaires apparaît donc comme une problématique essentielle pour l’éducation des enfants et leur épanouissement personnel. « Aujourd’hui, nous sommes en présence de logiques dominantes de fermeture des écoles avec une obsession sécuritaire qui les transforme en forteresse, indique Pascal Clerc. Cette organisation de l’école n’est jamais interrogée d’un point de vue pédagogique. Il est urgent de rendre les écoles plus habitables, de passer d’une logique de la séparation à une logique de la relation ».
Nécessité d’Investir
« Selon que tu habites une commune riche ou pauvre, tu ne seras pas logé à la même école ». Avec un cahier des charges sous forme de préconisations minimalistes et non d’obligation, les collectivités restent les maîtres d’ouvrage pour les constructions scolaires. Aussi il n’est pas étonnant qu’au gré des moyens et des volontés politiques territoriales diverses, les investissements soient plus ou moins conséquents. Ici, on économise sur le mètre carré, là, on réduit les dépenses sur les matériaux et les aménagements alors que dans d’autres lieux, des réussites architecturales et fonctionnelles sortent de terre.
N’y a-t-il pas urgence après la crise sanitaire et les épisodes de chaleur à répétition à investir massivement dans ces lieux de vie afin qu’ils soient complètement « sécures » et adaptés aux apprentissages ? Depuis belle lurette, le SNUipp-FSU réclame sur la question un programme de constructions et surtout de rénovations, appuyé par un financement national.