Classe découverte : un goût d’ailleurs
Mis à jour le 29.06.23
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Classes transplantées : vie collective et apprentissages « hors les murs ».
En dépit des obstacles administratifs et financiers, les séjours en classes transplantées sont une occasion unique de vivre une expérience de vie collective et de construire des apprentissages « hors les murs ».
Moins nombreuses, raccourcies dans leur durée, plus complexes à organiser et à financer, les classes découverte ne connaissent plus l’engouement qu’elles suscitaient par le passé. L’intérêt d’apprendre autrement, « hors les murs », n’est pourtant pas remis en question au sein de la communauté éducative. Bien au contraire, il a été réactivé après la crise sanitaire. Qu’il s’agisse de classes de mer, de neige, de ville ou vertes, les élèves continuent, en effet, d’acquérir des compétences scolaires pendant des séjours loin de leur famille, de leur quartier et de leur école. Mais à l’occasion de ces classes découverte, ils deviennent surtout les acteurs de nouvelles expériences sociales, psycho-sociales, citoyennes. Cette approche inédite leur permet de gagner en autonomie, de s’ouvrir à des milieux inconnus, d’éprouver différemment les règles de la vie collective (notamment la solidarité et les coopérations) ou encore, de construire de nouveaux rapports aux autres, y compris à l’enseignant•e.
Reste que pour obtenir de tels résultats, l’équipe éducative ne doit pas ménager ses efforts. Outre l’élaboration du projet pédagogique proprement dit, chaque PE doit redoubler d’investissement et faire preuve d’une grande détermination pour surmonter les difficultés qui surgissent en amont du départ. Si « l’immersion du séjour redonne le temps d’apprendre, détaché d’une sorte de course aux programmes », note Gilles Brougère, professeur en sciences de l’éducation, pour les PE, « les freins sont nombreux : recherche de financements, lourdeur des projets et demande de justifications détaillées - qui font parfois perdre le sens - consignes de sécurité ou travail de conviction à mener auprès des familles » . Un travail chronophage supplémentaire trop peu reconnu.
Changer de décor
La classe découverte renvoie également à des questionnements sur l’acquisition des savoirs dès lors que ceux-ci ne se font pas exclusivement au sein des bâtiments scolaires. « En France, la vision dominante de l’apprentissage reste corrélée à une réflexivité excluant d’autres formes d’apprentissage », observe Gilles Brougère. L’universitaire souligne que l’enjeu de la classe découverte est « d’apprendre autrement, dans des situations particulières ». Une expérience qui apparaît comme « une bulle qui laisse le temps à des découvertes libres, dans des dispositifs éducatifs hybrides ». Les changements de décor stimulent à la fois la curiosité et l’envie d’apprendre des élèves tout en s’inscrivant dans les programmes. « Il s’agit d’élaborer un projet pédagogique et non un projet de sortie et pour cela réfléchir à tout ce qu’une classe transplantée apporte aux apprentissages », insiste Geneviève Lafay, conseillère pédagogique.
À l’occasion de la classe de mer à La Rochelle, Julien Crusener, maître en CM1-CM2, explique comment les enseignements à l’école résonnent in situ. « Quand ils passent la main sur la coque et se rendent compte que c’est salé, le concept flou des embruns et de l’effet corrosif, s’éclaire, confie-t-il. Les connaissances prennent sens ». Outre les savoirs scolaires, ce sont aussi l’émancipation et un rapport aux autres qui se jouent.
Permettre la séparation
Ces séjours sont à l’opposé du resserrement des enseignements sur les fondamentaux prôné par les textes ministériels. Bénédicte Anfosso, enseignante à l’école maternelle de Puget-Théniers (Alpes-Maritimes), témoigne ainsi des progrès accomplis par les élèves de petite, moyenne et grande sections à l’occasion d’un séjour d’une semaine dans le Mercantour. Une classe découverte qui a permis de constater de multiples acquis « au niveau de l’autonomie, du langage, du relationnel avec les adultes et les autres enfants, des connaissances ».
Ces expériences nécessitent de construire du lien et de la confiance avec les familles. « Déjà partir du principe que leur inquiétude est légitime, rappelle Geneviève Lafay. Certains détails sont importants pour les rassurer comme prévoir la constitution des chambrées, présenter les accompagnateurs ». Pour Gilles Brougère, les classes découvertes, « c’est apprendre à partir, l’envie de découvrir d’autres langages, d’autres mondes, d’autres cultures, d’autres altérités ».
DES BIENFAITS PASSÉS SOUS SILENCE
« Mise en œuvre des programmes », « aborder dans des situations inhabituelles et particulièrement favorables, le domaine du “vivre ensemble” », « enrichir les apprentissages et apporter une stimulation qui favorise l’acquisition de connaissances et de compétences » sont autant d’atouts mis en avant dans la circulaire du 5 janvier 2005 relative aux séjours scolaires courts et classes de découvertes.
Éducation physique et sportive ; éducation artistique et action culturelle ; patrimoine et histoire-géographie ; découverte du monde/sciences expérimentales et technologie ; lecture, écriture, littérature ; langues étrangères ou régionales sont les six dominantes autour desquelles les PE peuvent organiser leur séjour. Une circulaire toujours en vigueur mais dont le ministère de l’Éducation nationale se garde bien de faire la promotion préférant se centrer sur ses fondamentaux « Lire, écrire, compter ».
Le sommaire du dossier :
- Partir pour apprendre : des apprentissages fondés sur l’activité, l’exploration et l’autonomie des élèves.
- Loin de ses parents : reportage à l'école maternelle de Puget-Théniers où se mène un projet qui nécessite de convaincre les familles.
- Construire un projet : interview de Geneviève Lafay, conseillère pédagogique EPS
- Emmène-nous voir la mer… Reportage avec des élèves de Mourenx qui apprennent autrement
- Découvrir un autre monde : Interview de Gilles Brougère, professeur en sciences de l’éducation