Enseigner les mémoires
Mis à jour le 05.03.22
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Eclairage sur l'enseignement des mémoires
Enseigner les mémoires : toute une histoire !
Entre instabilité des programmes et injonctions contradictoires, l’enseignement des mémoires - génocide juif, fait colonial et guerre d’Algérie, traites et esclavage, immigration - relève du parcours du combattant. Depuis 1980, les programmes d’histoire ont subi pas moins de sept modifications. À la suite des débats publics des années 90 pointant l’occultation dans le prescrit scolaire des mémoires « oubliées », la loi Taubira de 2001 qualifiant traites et esclavage de crimes contre l’humanité et requérant qu’ils trouvent à l’université et à l’école « la place conséquente qu’ils méritent » impulse une dynamique, déjà engagée par les renforcements de l’enseignement de la Shoah. Le programme de 2002 les place au centre des apprentissages et considère le XIXe comme le « siècle de l’émigration et de la colonisation » et aborde « la traite des Noirs » de manière explicite. La version 2008 confirme au moins l’étude des premiers empires coloniaux mais en proposant des reformulations. Dans le programme de 2015, elles constituent des parties parfois euphémisées de thèmes plus généraux, sans l’éclairage de documents d’accompagnement spécifiques. En pratique, les PE traduisent l’instruction à enseigner le respect des différences comme une incitation indirecte à proposer une histoire de l’immigration récente, ignorée du programme. Les manuels, proposant désormais un traitement explicite bien qu’inégal des mémoires, sont un autre point d’appui tout comme les journées de commémoration, la visite des lieux de mémoire et les concours scolaires au succès grandissant. Mais cette offre institutionnelle, sorte de compensation aux faiblesses du prescrit, cultive les ambiguïtés d’une histoire de la souffrance, soumise aux concurrences mémorielles. Elle peut éloigner les PE privés de formation académique et didactique de leur mission pédagogique : transmettre aux élèves des savoirs scientifiques qui leur donnent les clés de compréhension d’une histoire commune.