Enseigner les sciences : essentiel !

Mis à jour le 09.09.21

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Quelle place pour l'enseignement des sciences à l'école primaire ?

L’enseignement des sciences et de la technologie à l’école primaire peine à trouver sa juste place. Doter chaque élève d’une solide culture scientifique semble pourtant indispensable pour construire « le monde d’après ».

Aujourd’hui, les enjeux qui marquent notre époque, numériques, environnementaux, sanitaires rappellent l’importance de doter chaque élève d’une culture scientifique lui permettant de comprendre le monde qui l’entoure. L’apprentissage des sciences et de la technologie à l’école (S&T) qui a pour but, outre la transmission de connaissances, le développement de la curiosité, du questionnement et la pratique de l’expérimentation, revêt dans ce cadre une importance capitale. Si les programmes scolaires fixent des objectifs globalement adaptés à cette ambition, la mise en œuvre dans les classes se révèle chaotique. Dans un rapport daté de novembre 2020, l’Académie des Sciences dresse un constat extrêmement critique sur l’état de l’enseignement des
S&T : « Seuls 20 % des professeurs des écoles (PE) indiquent traiter l’intégralité des programmes en S&T […] Un enseignement trop cloisonné, sans cohérence ni interactions avec les autres disciplines […] Une place prédominante donnée par les directives ministérielles aux enseignements de français et de mathématiques […] Des PE, très majoritairement issus de formations non scientifiques, et insuffisamment préparés pour assurer l’enseignement en S&T ». 

De la leçon de choses à l'anthropocène

La situation n’est pas nouvelle. Malgré les efforts des tenants de l’éducation nouvelle, militants de l’apprentissage par l’activité et l’expérimentation, puis de ceux du professeur d’école normale Raymond Tavernier, dont les manuels firent référence dans les années 1990, les sciences sont restées trop souvent en marge des préoccupations des décideurs et des acteurs de l’école. Depuis 1996, « La main à la pâte » œuvre sans relâche pour que l’école transmette une véritable culture scientifique à chaque élève mais elle prêche dans un désert rendu toujours plus aride par une formation initiale et continue quasi-inexistante, des horaires en diminution constante et des prescriptions officielles appelant à se recentrer sur les « fondamentaux ». C’est pourtant à nouveau vers l’école qu’on se tourne aujourd’hui en rappelant sa vocation à faire émerger chez ses élèves l’indispensable esprit critique capable de s’opposer aux réactions simplistes des climato-sceptiques et autres antivax.

Des pistes pour avancer

Comment traduire ces préoccupations au quotidien dans la classe ? Le professeur en sciences de l’éducation Joël Lebeaume évoque « des questions matérielles propres à la discipline » qu’il convient de résoudre. Il propose de « développer les échanges de service et de mettre en place des dotations spécifiques de matériel dans chaque école ». Pour lui, « les textes officels gagneraient à fournir des programmations annuelles d’activités » avec l’objectif « de rendre les choses plus faciles ». Le rapport de l’Académie des Sciences invite à développer un esprit critique et à fonder une démarche scientifique, en s’appuyant sur des exemples et des notions de S&T dans l’enseignement des mathématiques et l’apprentissage de la langue. Il met aussi fortement l’accent sur la formation des enseignants et enseignantes avec la création de parcours de formation dans les Inspé adaptés aux étudiantes et étudiants issus d’études littéraires ou de sciences humaines et sociales et une formation systématique des PE du premier degré en S&T notamment en lien avec les grands enjeux actuels.

Frédéric Charles

FRÉDÉRIC CHARLES est maître de conférences en didactique des sciences. Il a dirigé l’ouvrage  "Graine de scientifiques en maternelle" Presses Universitaires de Grenoble 2021.

Pourquoi aborder les S&T dès la maternelle ?

En maternelle, je préfère parler d’éducation scientifique et technologique qui entre dans le volet des programmes « Explorer le monde du vivant, des objets et de la matière ». Il y a des enjeux sociétaux car les enfants sont immergés dans leur vie quotidienne dans un monde technologique, appelés à se confronter aux évolutions climatiques. Depuis deux ans, ils font face à une situation sanitaire qui ne doit pas être un tabou en classe. Il faut aussi qu’ils commencent à appréhender ce qu’est la science : un scientifique est quelqu’un qui doute, et qui peut et doit dire « je ne sais pas ». En liaison avec l’enseignement moral et civique, on doit installer l’esprit critique pour distinguer la connaissance des croyances. La maternelle est le premier lieu de la capitalisation expérientielle, pour reprendre les termes de Joël Lebeaume et Maryline Coquidé… mais aussi de la construction de premiers savoirs en science et technologie.

La démarche par investigation-structuration est-elle possible dès le plus jeune âge ? 

Il ne faut pas l’appliquer de manière formelle. Le raisonnement hypothético-déductif n’est pas forcément adapté aux possibilités des jeunes enfants. Mais on peut proposer, à la suite d’André Giordan une démarche en deux pôles. Construire le problème, c’est-à-dire ménager aux enfants une période de recherche, de doute, de tâtonnements. Par exemple en technologie, donner une ou deux semaines pour construire un objet roulant. Puis résoudre le problème. Dans notre exemple, on retiendra et reproduira les solutions les plus pertinentes à partir de l’observation.

Comment aider les PE à dépasser leurs réticences ? 

Les PE ont souvent peur de manquer de connaissances pour répondre aux questions des élèves. Ça peut être au contraire intéressant de chercher des solutions ensemble en reconnaissant qu’on ne sait pas tout. La maternelle présente de nombreux avantages pour conduire des activités scientifiques. On dispose de plus de temps avec moins de pression sur les contenus d’enseignement. Les enfants du cycle 1 sont enclins à s’étonner, expérimenter, manipuler, construire et les PE disposent souvent en classe de matériel adapté. Enfin le lien est tout naturel avec le domaine de la maîtrise de la langue. Les S&T conduisent à nommer les choses, argumenter et favorisent l’expression des petits parleurs. Elles font vivre des émotions fortes.

décryptage sciences FsC 476

CHERCHER POUR APPRENDRE ?

Créé en 1996, le programme « La main à la pâte » (Lamap) a contribué à l’amélioration de la qualité de l’enseignement de la science et de la technologie, notamment en donnant du sens aux apprentissages au travers de la mise en place d’une vraie démarche d’investigation. Son approche sera même reprise dans les programmes de 2002. Pourtant, malgré la diffusion d’outils, de progressions et l’implication de scientifiques dans les classes, la démarche prônée par Lamap peine à vraiment franchir la porte des écoles (voir ci-contre). Réagissant aux remous de la crise sanitaire, le physicien Etienne Klein s’est prononcé pour établir une distinction plus claire entre la science,« un corpus établi de connaissances en lesquelles on a toutes les bonnes raisons d’avoir confiance » et la recherche « qui, elle, a à voir avec le doute »et donc nécessite expérimentation et vérification. Une différence reprise au niveau didactique par le Pr Joël Lebeaume pour qui la démarche d’investigation « s’est installée de façon un peu hégémonique sans correspondre forcément à la réalité des pratiques scientifiques, comme en astronomie, en biologie et en conception technologique.

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