"L'évaluation critériée..."
Mis à jour le 13.01.22
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Interview de Marie-Thérèse Zerbato-Poudou, sur l'évaluation positive
«L’ÉVALUATION CRITÉRIÉE PARLE DU SAVOIR LUI-MÊME»
Marie-Thérèse Zerbato-Poudou, docteure en sciences de l’éducation, co-autrice de « Les pratiques scolaires d’apprentissage et d’évaluation » Dunod, 1996
Qu'entendez-vous par évaluation positive ?
Il existe une confusion entre évaluation et contrôle. Le contrôle positionne en fonction d’un résultat attendu, l’évaluation suppose l’examen des travaux en référence aux critères de réussite clairement identifiés et aux stratégies à employer. L’évaluation positive, pour sa part, examine les progrès par rapport à ce que l’enfant savait faire précédemment. Mesurer les progrès est intéressant car c’est une dynamique d’encouragements, de valorisation des avancées et de différenciation. C’est une mise en confiance qui se construit par une place de l’erreur non agressive. Elle prend un autre statut dépassant une simple conformité aux attendus empêchant de considérer que c’est l’enfant qui est en échec.
Quelles pratiques cela implique-t-il ?
C’est l’idée d’élaborer des confrontations avec l’attendu impliquant des visées plus constructives qu’un simple constat : « pareil, pas pareil ». Sortir d’une validation binaire pour revenir, par exemple, sur la consigne en questionnant : « Que faut-il pour que le travail soit réussi ? Comment va-t-on procéder ? » C’est une véritable discussion qui s’instaure. Concrètement, pour écrire Noël, on va déterminer qu’il faut ces quatre lettres, dans le bon ordre et qu’elles aient la bonne forme… Ce n’est pas seulement la copie d’un modèle, c’est apprendre que la langue écrite a un fonctionnement particulier et c’est lui qui dicte les critères. Cette évaluation critériée parle du savoir lui-même. Pour cet apprentissage, l’accompagnement par le langage est fondamental. Impossible sans prendre le temps de dialoguer avec les élèves. Mettre l’accent sur le chemin à parcourir et parcouru s’autorise avec des tâtonnements, pas évident avec des programmes verrouillés et un temps contraint.
Cette évaluation peut-elle enrichir les stratégies d'apprentissage ?
Les élèves n’ont pas d’entrée de jeu les outils pour dépasser une simple critique du travail. Expliciter les critères dès la maternelle, même s’ils ne sont pas encore négociables, protège d’un aspect émotionnel lié à une incompréhension. Les critères étant connus des élèves, on peut envisager une auto-évaluation. Progressivement, ils acquièrent des savoirs à la fois sur l’objet d’apprentissage mais aussi sur des modalités de régulation. Ils apprennent les façons de vérifier le travail, de poser les questions pour observer leur propre travail. « Comment je fais pour faire » est un processus de pensée dont l’accès n’est pas évident. On peut échanger, avec l’enseignant, entre pairs, pour élaborer collectivement les éléments de validation et réfléchir aux procédures. Déterminer les critères de réalisation est un cap supplémentaire : on peut, selon l’objet d’apprentissage, s’appuyer sur les comparaisons des diverses procédures, chacun ayant résolu différemment la question du savoir-faire. Dans cette optique, le rôle de l’enseignant est fondamental. Il faut se départir de l’illusion que les enfants découvriraient seuls les savoirs et les règles qui l’accompagnent.