Redonner sa place au débat

Mis à jour le 04.10.24

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Le débat démocratique constitue un objectif d’apprentissage essentiel

Le débat démocratique constituant un objectif d’apprentissage essentiel pour faire de l’enfant un futur citoyen, des PE mettent en place cette pratique au sein de leur classe. Toutefois, un changement d’orientation dans les nouveaux programmes pourrait affaiblir cette mission de l’école.

Si l’apprentissage du débat, au sens de discussion démocratique, a pu trouver sa place dans les programmes scolaires du primaire dès les années 2 000, les dernières instructions ministérielles minorent cet enjeu. Les nouveaux programmes en enseignement moral et civique substituent en effet, à la notion de débat, celle « d’échange », un concept qui place davantage l’élève dans une posture de récepteur que dans un rôle d’acteur de sa propre réflexion.

Si cette orientation semble en phase avec la conception ministérielle de l’enseignement dans l’Éducation nationale, elle ne répond pas aux objectifs fondamentaux dévolus à l’école républicaine, notamment celui de permettre à l’enfant d’acquérir les bases de la citoyenneté en consolidant son libre arbitre au fil de son parcours éducatif. Chercheurs et chercheuses en sciences de l’éducation et pédagogues s’accordent pour reconnaître que l’école constitue le lieu privilégié de l’apprentissage du débat démocratique. D’ailleurs, dès la création de l’agora grecque, la pratique du débat est historiquement liée à l’émergence de la démocratie. Aux 17e et 18e siècles, la philosophie des Lumières établira même « un lien étroit entre la naissance de l’État démocratique moderne et l’existence d’un espace public assurant droit d’expression et confrontation des opinions. »

« C’est parce que l’enfant vit des situations d’exercice de la démocratie qu’il va pouvoir devenir un citoyen démocrate à l’âge adulte. Plus on fait vivre à l’élève, non pas la pratique du vote mais la pratique de la discussion, plus on se donne de chances de former les futurs citoyens à la pratique citoyenne de la discussion », souligne Sylvain Connac, enseignant-chercheur.

Une théorie que Catherine Hueber, responsable du pôle pédagogie et formation à l’Office central de coopération à l’école, a pu mettre en pratique dans le cadre des débats coopératifs. « On y note les décisions, on se donne la parole, on respecte la parole de l’autre sans gêner. C’est vraiment l’apprentissage de la démocratie à l’école », témoigne-t-elle. « Le débat fait partie d’une pédagogie qui donne une autre place à l’enseignant et à l’élève, poursuit-elle, regrettant toutefois que « la formation actuelle des enseignants n’ouvre pas assez à ce type de pédagogie ».

Construire le "nous"

La notion de débat est particulièrement mise en avant aux cycles 2 et 3 en enseignement moral et civique, en français et dans d’autres disciplines, selon les programmes de 2015. Une démarche qui contribue pleinement à la structuration de la pensée de l’enfant. Selon Isabelle Dupin, enseignante à l’école élémentaire d’Oucques (Loir-et-Cher), qui pratique tous les quinze jours la philosophie en classe avec ses élèves de CE2-CM1, « savoir s’écouter, se respecter, être capable d’accueillir une pensée différente de la sienne sans pour autant l’accepter mais en prenant en compte le fait qu’elle existe, cela permet de construire sa pensée et enrichit la réflexion collective ».

Des compétences transversales que les élèves réinvestissent. « Les enfants sont reconnus comme légitimes à penser, ils sont valorisés et leur confiance en eux s’en trouve renforcée », affirme-t-elle. L’apprentissage du débat peut aussi prendre d’autres formes. À Mons-en-Baroeul (Nord), les PE de l’école Hélène Boucher, située en Rep +, ont mis en place des conseils d’élèves au sein desquels les différentes classes se familiarisent avec l’expression orale et aux apprentissages collectifs, permettant ainsi à chaque enfant de se décentrer pour prendre en compte le groupe. « Ils construisent le « nous », observe Aurélia André, la maîtresse. « Débattre permet d’élaborer sa pensée, de faire avancer la réflexion commune et les élèves se rendent compte de leur pouvoir d’agir ».
« L’exercice de la démocratie dès la maternelle s’avère être une condition nécessaire pour créer le lien entre enseignement et apprentissages, rappelle Sylvain Connac, tout en citant le psychologue Jacques Lévine selon lequel « l’espace de discussion démocratique permet de faire de la classe un espace hors menace ». Un espace où enseignantes et enseignants peuvent aussi avoir une posture différente et porter un autre regard sur la façon d’apprendre des élèves.

FsC 500 Débat PG

UN DROIT, UNE RESPONSABILITÉ

Dans un régime démocratique, le débat est conçu comme un espace où différentes visions de la société peuvent s’exprimer et se confronter, dans le respect de la diversité des points de vue. Fait d’écoute, de recherche de consensus, ou parfois de compromis, il est essentiel pour trouver des solutions pacifiques et pour prendre des décisions collectives. Aujourd’hui, avec l’omniprésence des réseaux sociaux et la prégnance de discours populistes, le débat démocratique est confronté à des formes de communication simplifiées ou polarisantes, qui nuisent à la qualité des échanges. La désinformation, les fausses nouvelles, les postures identitaires ou les discours violents peuvent altérer la nature même du débat et éloigner les citoyens et citoyennes d’une discussion constructive. Le débat démocratique est un droit mais aussi une responsabilité.

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