Un directeur emballant
Mis à jour le 14.01.19
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Jean-Luc Massalon s'est battu contre la fermeture de son école en milieu rural (80)
Avant de tracer des lettres au tableau de sa classe de Ponthoile, Jean-Luc Massalon a commencé par les distribuer dans les rues de Paris. Facteur, puis dessinateur industriel et mécanicien, ce touche-à-tout a alors repris des études : un BTS en mécanique puis une licence de maths. Jean-Luc, tenté par l’enseignement, bifurque vite vers le premier degré, rebuté à l’idée de « faire des maths vingt heures par semaine ».
Au sortir de l’IUFM, il assure des décharges de direction, puis arrive comme adjoint à l’école de deux classes de Ponthoile dont il devient directeur en 2007. Pourquoi cette fidélité à la petite école en briquettes rouges et à ce village de 600 âmes à deux pas de la baie de Somme ? « J’habite à 10 kilomètres et j’apprécie de pouvoir suivre les enfants pendant quatre ans et de gérer les apprentissages sur le long terme », répond Jean-Luc qui a en charge la classe qui va du CE1 au CM2. « Depuis 17 ans que je suis là, au fil des projets mis sur pied avec les élèves, il n’y a pas une année pareille », ajoute-t-il. Bien sûr la classe multi-niveaux impose une pédagogie et un enseignement particuliers. « Il y a un rapport privilégié avec les élèves qui bénéficient des autres cours et qui apprennent à travailler en groupe mais parfois on manque de temps pour aider ceux qui sont en difficulté », tempère Jean-Luc.
Les tâches de direction s’ajoutent au travail quotidien dicté par la classe. Jean-Luc a vu ces dernières années augmenter les sollicitations de l’administration. Il prend la chose avec une certaine distance : « Je suis passé de zéro jour de décharge à deux jours en début d’année puis à un jour par mois mais ce n’est pas de trop. Alors je fais déjà ce qui est indispensable pour les élèves, pour le reste, j’attends les éventuels rappels qui, parfois, n’arrivent jamais ! » Si les liens sont ténus avec l’administration, Jean-Luc entretient des relations chaleureuses avec les parents et les personnels de l’école. Pour Stéphanie Tinseaux, en charge des élèves de maternelle et de CP depuis 9 ans. « C’est un directeur avec qui le feeling est tout de suite passé. Pas forcément évident quand on n’est que deux mais on forme une équipe soudée. Tous les projets concernent les deux classes de l’école. »
LA POSSIBILITÉ D’UNE ÎLE
Les projets ? Ils se multiplient sous l’impulsion d’un directeur passionné entre autres par le sport et les pratiques artistiques. Derniers exemples : la participation à un concours d’art plastique autour de la préservation de la chouette chevêche en baie de Somme ou la résidence en 2017 de deux artistes contemporains qui ont créé avec les enfants des événements sur le thème de l’île. Pour les artistes en effet, cette petite école isolée, préservée, autonome évoque l’univers insulaire. D’ailleurs ce printemps, Stéphanie et Jean-Luc emmènent leurs élèves en classe découverte en Corse !
Alors quand la carte scolaire s’est abattue froidement en mars dernier avec la fermeture pure et simple de l’école, Jean-Luc en a profité pour en faire un événement artistique. Emballé de bâches en plastique façon Christo, le bâtiment a fait la "une" de la presse locale et nationale. Attirant même France 2 dont le reportage a été peu goûté par l’Inspecteur d’académie. Convoqué par son supérieur, Jean-Luc a conservé le flegme qui le caractérise. « Je lui ai demandé s’il existait un texte interdisant la présence de la presse à l’école, attendu que la classe était filmée sans prise de parole ni commentaire et que les témoignages étaient tournés hors-temps scolaire. Depuis j’attends la réponse, ils doivent avoir du mal à trouver… »
L'histoire a ému le chanteur creusois Gauvain Sers qui en a fait une chanson "Les oubliés" avec une vidéo tournée en janvier 2019 dans l'école avec reconstitution d'une classe pour l'occasion.