Pour un changement égalitaire

Mis à jour le 27.11.22

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"Une étude de sa pratique est nécessaire" : Mireille Baurens dévoile comment se traduisent les inégalités filles-garçons dans les "performances" scolaires, quel rôle joue l'enseignement dans la construction de ces inégalités à l'âge adulte. Quel évolution du cadrage éducatif et quelle formation pour faire évoluer ces pratiques ?

Mireille Baurens est maîtresse de conférences en anglais et en étude du genre. Elle est chargée de mission UGA-Détention, Formation tout au long de la vie à l'Université Grenoble Alpes.

UDA 2022 Mireille Baurens©Millerand-Les grenades-Naja

Comment se traduisent les inégalités filles-garçons dans les "performances" scolaires ?  

La notion de performance scolaire utilisée souvent à l’école montre que la compétition, la pression sur les notes sont présentes. L’école est là pour développer des capacités sociales, la rencontre avec l’autre et notamment de l’autre sexe, mais aussi faire fructifier ces compétences de façon égale entre les unes et les autres. En se polarisant sur la performance, on met en avant les écarts entre les filles et les garçons. Alors qu’ils ont diminué en maths, ou en littérature depuis dix ans, ils subsistent dans les représentations. Les garçons seraient plus doués pour les sciences et les maths, quand les filles aimeraient lire. Ces représentations entraînent un effet d’attente, qui, lui, fabrique ces écarts, et convainc les enfants eux-mêmes impactant ensuite les choix d’orientation.

Quel rôle joue l'enseignement dans la construction des ces inégalités à l'âge adulte ? 

À l’école, des pratiques aveugles ont lieu avec des conséquences à l’âge adulte. L’occupation de l’espace pédagogique est impactée par des idées reçues. Ainsi, s’attendre à ce que les garçons soient plus agités entraîne une plus grande tolérance à l’égard de leur comportement, ce qui les amplifie et amènent les garçons à occuper plus de place. Le même phénomène joue avec la répartition des prises de parole en classe. Une confiscation masculine de cette parole se retrouve à l’âge adulte dans les réunions professionnelles. De même, au niveau des programmes et des choix des matériaux utilisés en classe, des filtres sont appliqués donnant peu de place aux figures féminines en invisibilisant les créatrices, autrices ou femmes scientifiques. L’école est alors un écho de la société en préparant des rôles masculins et des rôles féminins. 

Quelle évolution du cadrage éducatif faudrait-il ? 

Il est ambitieux et il y a même un cadrage politique avec l’égalité entre les hommes et les femmes déclarée « cause nationale » par le président de la République. On en est à la 4e convention inter-ministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système scolaire. Un module doit être présent dans les maquettes de formation initiale et continue. Mais les moyens ne sont pas à la hauteur des objectifs. Les modules dans la formation sont en concurrence avec les autres contenus disciplinaires et ne sont pas mis en place partout. De même, la polémique sur le langage égalitaire n’est pas contrée alors que c’est la fonction symbolique du langage, la manière de représenter les uns, les unes et les autres dans un langage quotidien qui sont en jeu. L’école doit avoir en tête le bon guidage pour imaginer une organisation sociale où les jeunes seraient émancipés des représentations sexuées et pourraient choisir sans être contraints par une assignation socio-sexuée. 

Quelle formation pour faire évoluer les pratiques ? 

Des outils sont nécessaires et l’institution doit proposer le bon cadre. Les enseignantes et enseignants doivent aussi mesurer leur propre pouvoir d’action, des leviers existent. Tout d’abord les 3 A : ancrage, attention et action. L’ancrage, car la littérature sur les discriminations à l’école entre filles et garçons est riche et disponible. Ensuite, l’attention. Il est important de se rendre compte des comportements dans la classe, de compter les prises de paroles, de se regarder soi-même. Enfin, cela permet l’action. La prise de conscience ébranle souvent les enseignantes et enseignants qui changent alors leurs pratiques : tour de parole, réflexion sur la composition des groupes de travail ou sur la distribution des rôles lors de ces travaux, sélection de matériaux pédagogiques garantissant une transmission des savoirs équilibrés. Mais pour cela une étude de sa pratique est nécessaire. Aller s’observer mutuellement, lors de micro-stages d’observation active du genre, permet de voir comment on orchestre la différence ou l’indifférence au fait qu’on a des filles et des garçons devant soi. On peut observer une autre classe si du temps est dégagé mais aussi s’auto-observer en filmant sa propre classe. La prise de conscience devient alors crise de conscience car apparaissent des pratiques discriminatoires non voulues. Des remédiations sont ensuite mises en place pour ne pas s’inscrire dans ce clivage contre lequel nous sommes, par principe mais aussi par mission.