Enjeux et avenir de la formation

Mis à jour le 31.01.25

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Dominique Bucheton, Yann Mercier-Brunel, Corine Chlecq, Stéphanie Lengagne et Cécile Berterreix ont participé à des tables rondes pour interroger le métier de formateurs et formatrices et les paradoxes de la formation des PE. 

Les formatrices et formateurs jouent un rôle crucial dans la transmission des savoirs et la structuration du métier enseignant. Pourtant, la surcharge de travail et la perte de sens croissante de la fonction face aux injonctions institutionnelles sont de plus en plus prégnantes. Comment concilier les missions essentielles de formation avec les attentes de la rue de Grenelle ?

Un métier en tension, un avenir incertain

« On demande aux formateurs d’être des contremaîtres, des contrôleurs, de faire passer des décisions et des programmes », dénonce Dominique Bucheton, professeure des universités honoraire, chercheuse en didactique de français et sur l’analyse du métier enseignant, gestes et postures professionnelles, alors que « le sens du métier de formateur est d’avoir une vision extrêmement prospective du métier enseignant [...] d’autoriser les enseignants à être inventifs, à s’ajuster, à analyser, à réfléchir ».

« Le métier de formateur se retrouve en tension entre une demande de jeunes enseignants d’avoir des réponses, des conseils, des techniques qui ont un effet limité et apporter une aide pour construire sa pratique, la penser et en être l’auteur », explique Yann Mercier-Brunel, maître de conférence en sciences de l’éducation.
Une position difficile à tenir d’autant plus que les formatrices et formateurs sont incités par l’institution à donner des réponses aux PE sur des temps courts alors que « les développements professionnels réussis sont ceux qui se construisent sur un temps long », précise D. Bucheton.

Le manque de temps et de collectifs professionnels est aussi pointé par Corinne Chlecq, conseillère pédagogique de circonscription : « Nous avons de moins en moins de temps pour construire, imaginer et mutualiser avec les collègues des actions de formation. Au fil des années, le temps est de plus en plus contraint, on n’arrive plus à voir les moments où on se nourrissait. » Sans compter que le métier ne cesse de se densifier comme l’explique Cécile Berterreix, docteure en sciences de l’éducation. « Se sont succédé pas moins de cinq priorités depuis 2018, avec le plan sur les valeurs de la République et la laïcité, le plan phare contre le harcèlement, le plan sciences et le plan maternelle ».

Redonner du sens au métier : négocier à l’intérieur du cadre

Stéphanie Lengagne, inspectrice de l’Education nationale, co secrétaire générale adjointe du SUI-FSU , appelle à construire une forme de résistance positive tout en respectant le cadre institutionnel, une résistance qui sert aux métiers enseignant et de formateur et formatrice, aux PE et aux élèves . « On n’est pas obligé d’appliquer une formation telle qu’elle a été pensée. On peut l’analyser, n’en prendre que ce que l’on trouve intéressant, la compléter par l'analyse d’un chercheur qui n’est pas cité. Nulle part, il est écrit qu’on ne peut pas le faire ».

Corinne Chlecq ajoute que les protocoles autour des nouveaux programmes ne sont que des propositions et qu’il appartient aux formateurs et formatrices de s’en emparer « en mettant en valeur ce qui nous paraît intéressant ». C'est aussi s’autoriser à donner une place dans les constellations aux conseillers pédagogiques départementaux pour mutualiser, s’enrichir, construire ensemble. « C’est une autre façon de remettre un petit peu de collectif professionnel  ». « Il s’agit également d’instaurer les conditions d’une controverse sur les pratiques d’enseignement mais aussi de permettre la diffusion des pratiques satisfaisantes entre pairs jugées par le collectif satisfaisantes », ajoute Cécile Berterreix.

De la même manière, une évaluation d’école n’est intéressante que si elle utilise la richesse des points de vue pour questionner, analyser le mode de fonctionnement, construire ensemble les points sur lesquels l’école peut travailler. « Prendre une casquette d’accompagnateur, préparer le travail que va mener l’équipe enseignante », précise l’IEN.

Les missions des formateurs et formatrices doivent se recentrer sur le cœur du métier : l’accompagnement et la formation des PE. Une meilleure reconnaissance de leur expertise professionnelle est nécessaire. Elle passe par une clarification et un allègement de leurs tâches, le respect du temps de travail sur 36 semaines et une formation de qualité pour ces personnels.