Un plan d’urgence pour la Seine Saint Denis

Mis à jour le 28.03.24

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Quatre ans après un premier rapport et l’annonce d’un plan dédié, un nouveau rapport parlementaire est venu, en décembre dernier, étriller l’action de l’État dans le département hexagonal le plus pauvre de France. Ce constat, déjà partagé par les agentes et agents des services publics depuis des années, est à l’origine d’un mouvement de grève exemplaire.
Marie Hélène Plard, secrétaire départementale de la FSU-SNUipp 93, nous éclaire à ce sujet.

Quelle est l'origine de votre mouvement de grève ?

Depuis le mois de Novembre, une intersyndicale unie (FSU-CGT-Sud Education- CNT) a entamé un travail de recensement des besoins face à une situation terriblement dégradée.
Lors de tournées d’écoles, de RIS, d’HIS dans les collèges et lycées, nous avons effectué un gros travail de terrain pour chiffrer les besoins et établir nos revendications départementales.
Ce plan d’urgence est vu comme une mesure d’égalité : il s’agit de compenser la pauvreté de notre département dont la spécificité est connue. Ainsi nous exigeons, via deux collectifs budgétaires, 358 millions d’euros pour, d’une part, recruter des personnels et, d’autre part, agir sur un bâti scolaire terriblement dégradé.
Nous avons déposé fin Novembre, comme dans les autres départements de France, une alerte sociale qui sonnait déjà comme un avertissement.
Le rapport parlementaire du 30 Novembre, qui confirme le sous-investissement chronique en Seine Saint Denis, est venu confirmer ce que nous constatons depuis trop longtemps.
Alors quand en décembre Attal annonce son «Choc des savoirs», véritable changement structurel du sens de l’École et du métier enseignant, le vase déborde. Ce «choc» agit comme un catalyseur de la colère. Vu qu’il renforce une école déjà inégalitaire, qu’il renforce le poids de l’origine sociale dans la réussite scolaire, il est vécu comme une provocation pour les personnels du 93, département au plus fort taux de pauvreté en France hexagonale. La grève du 1er Février a été très massive, les Assemblées Générales très fournies et la décision de ne pas reprendre à la rentrée des vacances d’hiver, largement partagée.

Quels en sont les points forts  ?

Son principal point fort est qu’il est ancré dans un temps long avec une intersyndicale unie pour le soutenir. Les revendications ont été directement travaillées avec le terrain et sont directement issues de l’expertise des personnels.
Ce mouvement bénéficie en outre d’un soutien massif des parents d’élèves avec notamment des opérations écoles & collèges déserts qui sont suivies de façon massive.
Tout cela territorialise fortement la lutte et suscite des initiatives locales que ce soit des mobilisation comme le WE du 23/24 mars ou des réunions publiques qui participent de l’interpellation comme de la prise de conscience collective..
Il bénéficie aussi d’un soutien large des élu·es du département, et cela permet que la pression imposée par la rue soit relayée de façon institutionnelle, les décisions se prenant à Bercy et Matignon.
Enfin, et c’est fondamental, la caisse de grève intersyndicale permet d’envisager une grève longue et dure : savoir que l’on ne va pas se retrouver “sans rien” à la fin du mois est indispensable et elle permet de lever ce frein. Il faut qu’elle se garnisse encore pour nous permettre de tenir.

Quelles sont les perspectives à venir ?

Il y a tout d’abord des perspectives immédiates de mobilisation : toute notre attention est tournée vers Bercy et les décisions budgétaires. Ce vendredi 29 mars, nous organisons donc une manifestation avec une action forte pour que le Ministère des Finances nous entende. Et samedi 30, nous invitons la population, qui est déjà partie prenante de la mobilisation, à marcher, partout dans le département, pour le plan d’urgence.
Bien sûr, départementalement, nous rejoignons l'appel à la grève du 02 avril prochain et invitons le maximum de collègues à s’y joindre : il y a un enjeu majeur à obtenir des moyens pour l’École partout en France et le retrait du «Choc des savoirs».
Au-delà de cette mobilisation, que nous voulons victorieuse, se pose la question de la résistance dans la durée, notamment face aux mesures Attal et plus globalement face à l’ensemble de la politique scolaire. D’ores et déjà nous engageons nos collègues dans plusieurs actions, qui s’annoncent très suivies, afin de la mettre en échec : aucune transmission d’information facilitant la mise en place des groupes de niveau, libre disposition des moyens humain au sein des écoles en privilégiant la baisse d’effectifs dans toutes les classes plutôt que le dédoublement et enfin le boycott des évaluations nationales standardisées.