Jacques Bernardin, président du GFEN

Mis à jour le 17.06.20

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Un rôle de tiers médiateur

Jacques Bernardin, président du GFEN, docteur en sciences de l’éducation

Bernardin

Comment aider les élèves en difficulté scolaire ?

Plutôt que de parler d’élèves en difficulté, attachons-nous aux difficultés des élèves, afin de ne pas essentialiser les problèmes. Ce ne sont pas des élèves « à part », mais des révélateurs d’impensés de la relation pédagogique qui nous invitent à revisiter l’ordinaire, auquel ils résistent. De ce fait, ce sont des aiguillons nous permettant d’aiguiser notre professionnalité, d’améliorer nos pratiques. Penser la classe pour les plus faibles, c’est le meilleur moyen de parler à tous ! Dès lors qu’on est dans cette perspective, il devient prioritaire de cerner la nature de leurs difficultés. Elles peuvent s’exprimer dans un domaine didactique précis ou s’avérer plus transversales : désintérêt en classe, implication minimale, inattention aux consignes, faible persévérance, intolérance à l’échec… Mais de quoi relèvent ces difficultés ? D’un manque de sens accordé à l’apprentissage ? D’attendus scolaires peu clairs ? De façons de faire inadaptées ? De malentendus quant à ce qu’exigent les apprentissages scolaires ? D’une image dégradée de soi ? Cela demande de considérer les résultats, mais aussi les façons de procéder pour y parvenir. Seul le retour sur la production, l’invitation au commentaire sur l’activité passée peut dévoiler ce qui a posé ou pose toujours problème.

Qu’apportent les RASED à l’école de la réussite de tous ?

Face aux situations bloquées, le RASED constitue une ressource pour les équipes. Les difficultés persistantes des élèves font résonance chez l’enseignant, éprouvent et fragilisent leurs certitudes professionnelles, questionnent la pertinence des moyens jusqu’alors mis en œuvre. L’élève mettant l’enseignant en échec, aux difficultés cognitives peuvent se mailler des difficultés relationnelles. Le réseau peut jouer le rôle de tiers médiateur qui aide à la prise de distance, renouvelle l’approche de la situation, « refroidit » le problème tant du côté de l’élève que de l’enseignant. Passant du vécu subjectif à son analyse, il l’objective sur un plan professionnel, le ressaisit avec d’autres références savantes, croisant psychologie, sociologie et didactique. Le RASED renouvelle le point de vue sur la difficulté, mais aussi l’approche pédagogique. Il permet par son action de relancer la dynamique d’apprentissage, de développement. Il participe également au développement professionnel dès lors qu’il peut échanger avec les enseignants.

“Alors que la difficulté est inhérente à l’apprentissage, de façon plus ou moins profonde et durable,
les professionnels sont de moins en moins formés à l’appréhender et à y faire face.”

Comment mieux articuler l’aide du RASED avec la vie de la classe ?

Sur le plan structurel, on a longtemps pensé une scolarité à part pour les élèves à part, délestant l’école « ordinaire » de ceux qui posaient problème. Sauf qu’à l’usage, on s’est aperçu d’une part que les élèves ainsi dérivés poursuivaient leur dérive sans possibilité de retour, d’autre part que chaque structure spécialisée alimentait le besoin d’en créer de nouvelles, sans jamais interroger l’ordinaire des classes ordinaires. De nombreuses recherches ont confirmé que l’externalisation de la difficulté scolaire ne suffisait pas à l’enrayer. Ainsi, on est progressivement arrivé à l’idée que l’essentiel se jouait dans la classe. Si la rencontre duelle reste pertinente pour creuser certains points, l’observation in situ est nécessaire pour identifier la singularité du mode d’inscription de l’élève dans les activités, son rapport aux apprentissages, le type de relation à l’enseignant et au groupe de pairs. Enfin, l’intervention dans la classe peut permettre d’échanger à chaud sur l’activité mais aussi de co-élaborer des situations et d’organiser leur conduite au bénéfice de tous.

Pourrait-on se passer des RASED ?

Alors que la difficulté est inhérente à l’apprentissage, de façon plus ou moins profonde et durable, les professionnels sont de moins en moins formés à l’appréhender et à y faire face. La psychologisation et la médicalisation sont des tendances fortes, alors que bien des difficultés relèvent de la distance entre ce que l’école demande et présuppose acquis et les habitudes prises antérieurement dans l’espace social de référence. On sait que les conditions de vie des familles sont très diverses. Certaines sont en phase avec les attendus langagiers et culturels de l’école, les anticipent et y préparent précocement, d’autres sont très à distance. De la motivation à l’égard des apprentissages aux façons de faire en passant par la confiance en ses capacités ou l’usage du langage, bien des choses distinguent les élèves lorsqu’ils arrivent à l’école. L’école est-elle préparée à y répondre ? Au vu des résultats, très insuffisamment, moins par volonté des professionnels qu’à cause de l’indigence des moyens qui leurs sont accordés. Les RASED restent donc indispensables aux équipes.

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