Langage égalitaire
Mis à jour le 01.12.23
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Itv d'Eliane Viennot, historienne et professeuse émérite de littérature française
Eliane Viennot est historienne et professeuse émérite de littérature française
L'enseignement du langage égalitaire permet-il d'avancer vers l'égalité ?
Oui, c’est enfant que l’on acquiert des réflexes. Il est plus facile d’apprendre un langage égalitaire que de devoir déconstruire de mauvaises habitudes une fois adulte. Le langage est un outil de compréhension du monde. Faire apparaître dans le langage courant les mots désignant les deux sexes est très important. La question des noms, notamment, est primordiale. Les travaux des psycholinguistes montrent que les mots masculins génèrent des représentations d’hommes. Lorsqu’on interroge des enfants sur leur futur métier, elles et ils se projettent différemment selon qu’on leur propose une liste avec un seul mot pour désigner celui-ci, infirmière, pompier selon les stéréotypes genrés, ou une liste avec les deux mots, infirmier infirmière, pompier pompière. Dans le second cas, il est clair qu’il y a une place possible dans tous ces métiers, qu’on soit fille ou garçon.
Le langage égalitaire se résume-t-il au point médian ?
Le point médian est un détail, une abréviation pour certains doublets à l’écrit. Il n’est pas question de leur apprendre à écrire comme cela. En revanche, tout comme on leur enseigne que M. se lit Monsieur, on peut leur montrer que collégien•nes est l’abréviation de collégiens et collégiennes. Mais le langage égalitaire n’a pas besoin d’abréviations. La langue française a tous les outils pour permettre un langage égalitaire : les noms aux deux genres, les termes épicènes, les périphrases, les accords de proximité, etc.
Comment peut-il être enseigné ?
Tout d’abord, cela passe par nommer les femmes correctement, notamment leurs métiers, leurs fonctions. Une femme est autrice, officière, magistrate, doctoresse… Ensuite, pour parler d’une population mixte, les deux mots doivent être utilisés afin qu’on se représente les deux sexes. Dire en histoire, « le blé est cultivé par des paysans et des paysannes » plutôt que « par des paysans ». De même, il faut parler des femmes et des hommes préhistoriques, de l’évolution de l’humanité, des droits humains, car le mot « homme » évoque avant tout les mâles humains adultes. Enfin, amener les enfants à réfléchir sur les règles d’accord. Un détour par l’histoire de la langue peut leur montrer que la règle du « masculin qui l’emporte » est un dogme récent et qu’on sait faire autrement.