"Une dépossession insidieuse et progressive de leur autonomie de décision"

Mis à jour le 30.08.24

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Interview de CHRISTIAN MAROY, professeur de sociologie à l’université de Louvain.

CHRISTIAN MAROY, professeur de sociologie à l’université de Louvain.

Christian Maroy

QUELLES SONT LES PARTICULARITÉS DU SYSTÈME ÉDUCATIF QUÉBÉCOIS ?

 La GAR* vise à responsabiliser les Centres de services scolaires et les écoles en lien avec les plans et objectifs du ministère. Cela se concrétise par des outils managériaux – contrats, plans et rapports à la hiérarchie ou aux usagers – qui instaurent une forme de transparence et d’(auto)surveillance sur ses performances. Le dispositif est sous-tendu par l’existence d’examens et d’évaluations externes standardisées et le développement d’une infrastructure numérique et statistique qui permet aux cadres scolaires de suivre et comparer les écoles, les classes, les enseignants, les élèves, sur base d’indicateurs. 

La détection statistique des « zones de vulnérabilité » des écoles ou enseignants permet alors d’enclencher diverses formes de soutien ou de suivi pédagogiques, plus ou moins directifs ou participatifs, au nom de l’amélioration de « la réussite de tous les élèves ». La pression s’accentue pour que les écoles adoptent les « pratiques efficaces » basées sur des « données probantes ». On assiste depuis 20 ans à la mise en place progressive d’un pilotage du système de plus en plus centralisé et d’une régulation cognitive et normative des pratiques enseignantes, supposées être la source principale de l’efficacité de l’apprentissage des élèves, faisant l’impasse sur d’autres facteurs comme la composition sociale et académique des classes et écoles.

COMMENT CELA SE TRADUIT-IL ?

 Les conséquences pour les élèves sont une accentuation du stress par rapport à leurs examens. Pour les enseignants, un climat de surveillance et de pression par rapport à leurs pratiques, qui n’est pas toujours contrebalancé par un soutien pertinent pour résoudre les problèmes. Également un sentiment de perte de confiance de la part des autorités dans leur professionnalisme ou leur engagement qui est soumis à des évaluations récurrentes. Enfin une dépossession insidieuse et progressive de leur autonomie de décision voire de réflexion sur leurs pratiques professionnelles.

COMMENT SORTIR DE CES ÉCUEILS ?

Miser davantage sur l’autonomie collective des enseignants, les associer davantage, via leurs représentants, à la construction des instruments d’évaluation, des indicateurs, à la mise en œuvre de solutions pertinentes. Ne pas survaloriser les « données quantitatives », sans pour autant les ignorer. Refonder une confiance dans l’engagement et le professionnalisme enseignant.
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* Gestion axée sur les résultats en éducation

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