Une dynamique inclusive
Mis à jour le 02.10.22
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Reportage à Mondoubleau : l'inclusion scolaire avec un dispositif ULIS
À l’école élémentaire de Mondoubleau (Loir-et-Cher), l’inclusion scolaire est réelle avec un dispositif Ulis qui permet de respecter le rythme d’apprentissage et les besoins de chaque élève en situation de handicap.
9h, la sonnerie retentit dans la cour de l’école élémentaire de Mondoubleau en Loir-et-Cher. Les élèves de CM1 et CM2 d’Adeline Boulay entrent en classe. Julien, élève de CM1 bénéficiant du dispositif d’Unité locale d’inclusion scolaire (Ulis) de l’école, récupère sur le bureau de la maîtresse une plaquette où figure le déroulé de sa matinée. « Nous avons mis en place cet outil la semaine dernière après avoir échangé avec la maîtresse de l’Ulis de l’école, précise Adeline. Julien a des difficultés à se repérer et manque d’autonomie ». En bleu sont inscrites les activités en classe de CM1, en rouge celles réalisées dans l’Ulis. Les élèves sortent trousses et cahiers pour inscrire la date du jour. Adeline a mis un point rouge pour que Julien se repère. Quant à Louis, autre élève inclus dans la classe, il est autonome sur cette partie. Le rituel de l’entrée en classe se déroule avec la distribution des responsabilités : Louis est aujourd’hui chef de rang. Après qu’Adeline a vérifié le travail réalisé, elle adresse un « parfait » à Julien et Louis qui prennent avec un grand sourire leurs agenda et pochette dans leur sac pour rejoindre l’Ulis.
Un emploi du temps adapté
Leur cartable reste en classe, symbole de leur appartenance effective à la classe de leur tranche d’âge. Ils sont accueillis par Anne Allet, la maîtresse en charge de l’Ulis et Véronique Couvrat, accompagnante d’élèves en situation de handicap (AESH) collective. Les élèves s’installent à leur place et continuent leur travail. « Nous nous sommes calés sur l’emploi du temps de leur classe. La première partie de la matinée est consacrée aux apprentissages de la langue, la seconde aux mathématiques », explique Anne. Julien fait des allers-retours dans la matinée accompagnée de l’AESH car il suit la progression en calcul mental avec sa classe. Pour l’heure, Louis lit une page de mots contenant le son [i] avec Anne tandis que Julien remet en ordre une phrase après avoir découpé les étiquettes mots. Véronique lui rappelle la consigne et le relance dans l’activité. Julien prend son temps et profite de cette relation duelle pour raconter son week-end. « J’aime prendre le temps de discuter avec les élèves, en groupe classe cela n’est pas toujours possible car cela gêne les autres camarades, détaille Véronique, AESH depuis plus de 8 ans. En Ulis, j’ai l’impression de respecter davantage leur rythme ». L’Ulis accueille pour le moment six élèves tandis que trois autres sont en attente de notification. « Le niveau réel des acquisitions des élèves rattachés à l’Ulis s’étale entre la grande section et le CE2, explique Anne. Sur six enfants, trois sont encore non lecteurs pour le moment ».
Un dispositif plébiscité
« C’est la deuxième rentrée de ce dispositif, précise Solène Beaunée, directrice de l’école. Il n’y avait pas ce type de dispositif dans le nord du département et c’est la première Ulis rattachée à un regroupement pédagogique intercommunal. Les élus ont soutenu le projet pour permettre aux familles concernées d’avoir un dispositif adapté plus proche de chez eux ». Avec quatre classes du CE1 au CM2, ce sont, en moyenne, trois élèves en situation de handicap inclus dans chaque classe. Pour toute l’équipe de l’école, les élèves se rendant en Ulis sont d’abord des élèves de la classe. « C’est à l’école de s’adapter et non à l’élève de le faire », affirme Solène. Chaque élève a un projet différent. « Ce n’est pas toujours facile, on teste beaucoup, on essaie d’accueillir un maximum l’élève en classe selon ses capacités et besoins, précise Adeline. Le but n’est pas qu’il soit noyé dans le groupe classe mais qu’il progresse réellement. Anne est une ressource précieuse ». Un projet qui demande des ajustements quotidiens et nécessite beaucoup de temps d’échange. Mais pour toute l’équipe, cela vaut le coup : « c’est bénéfique à la fois pour les élèves en situation de handicap mais aussi pour tous les autres », affirme la directrice. Quant à Anne, après 30 ans de carrière, enseigner en Ulis a permis de redonner du sens à son métier.
ALEXANDRE PLOYÉ est maître de conférences en sciences de l’éducation à l’université Paris Est Créteil.
L'Ulis remplit-elle son rôle d'inclusion des élèves en situation de handicap ?
En théorie, le dispositif oblige à la présence d’un coordonnateur d’Ulis, lui-même enseignant spécialisé formé à développer des gestes pédagogiques destinés à la prise en charge spécifique de ces élèves. Il est à la fois le spécialiste de ces enfants-là et selon les textes une ressource pour les autres enseignants. À ce titre, ce dispositif est bienvenu. En Ulis, un travail nécessaire est réalisé où l’on apporte auprès du groupe d’élèves l’attention qu’ils méritent et où l’on répond à un certain nombre de leurs besoins. C’est un dispositif passerelle qui permet aux élèves handicapés d’aller, dans certains cours, plus ou moins longtemps, selon que l’école ait fait un travail de réflexion sur les conditions d’accueil de ces élèves. Dans l’état actuel de l’école française, c’est le meilleur dispositif pour favoriser un peu d’inclusion.
Quelles sont ses limites ? De quelle manière éduquer ?
C’est le manque d’hétérogénéité des profils d’élèves regroupés en Ulis. Or, la recherche montre que c’est l’inclusion à temps plein dans des classes hétérogènes avec des enseignants formés qui favorisent les progrès des élèves. Sans formation de l’ensemble des enseignants, l’inclusion se limite souvent à un travail de socialisation avec une plus-value cognitive pour les élèves handicapés très mince. C’est aussi la rareté des enseignants spécialisés sur le terrain et le peu de départs en formation spécialisée. La pression sur les enseignants spécialisés et non spécialisés ne cesse de grimper tant ils ont la charge morale de savoir faire des choses qu’on ne leur a pas enseignées.
Quels conseils aux équipes ?
Il apparaît important de s’emparer de l’inclusion collectivement autant que faire se peut parce qu’il n’y a pas grand-chose à attendre de la hiérarchie faute de volonté politique et de moyens. Ne pas renoncer à demander des formations, ne pas renoncer à l’inclusion. Par expérience, l’inclusion fonctionne localement quand toute la communauté éducative décide de s’emparer du projet et d’essayer d’en faire quelque chose par elle-même. Le co-enseignement peut permettre aussi de faire rayonner des pratiques d’enseignants spécialisés dans les pratiques de classes ordinaires. Une recette appliquée dans d’autres pays qui paraît être une bonne idée.
En bref
Quels élèves en Ulis ?
Les élèves admis dans les dispositifs Ulis présentent des troubles des fonctions cognitives ou mentales, des troubles spécifiques du langage et des apprentissages, des troubles envahissants du développement (dont l’autisme), des troubles des fonctions motrices, des troubles de la fonction auditive, des troubles de la fonction visuelle ou des troubles multiples associés (pluri-handicap ou maladies invalidantes).
Seuils non respectés
Le dispositif Ulis existe aussi au collège où le nombre maximum d’élèves ne doit pas excéder 10 au lieu de 12 en école primaire. Des seuils qui, régulièrement, ne sont pas respectés. Au lycée, trop peu de dispositifs Ulis sont implantés, ce qui pose la question de la continuité de la scolarité des élèves en situation de handicap.
Parler du Handicap
Des ressources en ligne sur le site Eduscol sont disponibles pour animer des séances dédiées à la sensibilisation au handicap des élèves du premier degré. Animations, films, DVD, mallette de sport USEP ou encore une sélection d’ouvrages sont autant de leviers pour travailler en classe. À retrouver sur EDUSCOL.FR