Loi Blanquer, ça change quoi ? Ép.3 Des usines des savoirs
Mis à jour le 01.03.19
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La réforme par la ruse : c’est par amendement que sont arrivés les établissements publics locaux d'enseignement des savoirs fondamentaux (EPLESF) dans le projet de loi Blanquer. Il s'agit d'une modification profonde de l'organisation scolaire par des regroupements collège et écoles d’un secteur, le tout sous l’autorité du chef d’établissement. Exit les directeurs d’école. Il n’y aurait plus qu’un « adjoint » en charge du premier degré.
Inexistants dans le projet de loi initial, les établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux (EPLESF) sont entrés par la petite porte via un amendement d’une députée En Marche, principale de collège. Sans qu'aucune expérimentation des écoles du socle ou cités scolaires n’ait fait l’objet d’une évaluation, un amendement modifie profondément la structure de l'école sous couvert de « faciliter le parcours et le suivi individuel des élèves » de la PS à la 3e.
Il s’agit en effet de regrouper « les classes d'un collège et d’une ou plusieurs écoles situés dans le même bassin de vie » soit « en réseau en restant sur leurs sites respectifs », soit en se regroupant « au même endroit en fonction du projet, du souhait de la communauté éducative et des caractéristiques du territoire ».
Ces établissements sont dirigés par le principal qui chapeaute un ou plusieurs « adjoints » dont un au moins issu du primaire en charge des écoles. Les modalités de recrutement, seront fixées par décret.
Ces structures, une quinzaine déjà prévues sur le territoire, concerneront le « très rural » ou le « très urbain », en fait partout où les collectivités locales en décideront, après « avis de l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation » (Rectorat). Car les équipes enseignantes comme les familles ne sont pas consultées, pas plus que les instances comme le CTSD ou le CDEN.
Pour le SNUipp-FSU, s'il s'agit de continuité pédagogique entre l'école et le collège alors cela doit prendre appui sur les équipes pédagogiques les plus à même de penser un projet qui réponde aux besoins. Difficile de vendre des objectifs pédagogiques quand il s'agit de faire des économies.
10 écoles, 4 directeurs
Le fonctionnement est calqué sur le secondaire : conseil d’administration, conseil pédagogique... L’idée est de « mutualiser les moyens humains » ne se cache pas la députée à l'origine de l'amendement, « lorsque l’établissement regroupe 10 écoles pour un total de 40 classes, il pourra y avoir 4 adjoints » et non plus un directeur ou une directrice par école. Il y a donc bien économies de postes. 46,6% des écoles primaires publiques comptent entre deux et quatre classes, la tentation sera grande de « les regrouper dans de grands établissements », prévient l’universitaire Sylvie Plane. « Pour beaucoup de communes, ce texte va entraîner la fermeture de l’école ». L'association des maires ruraux de France dénonce d'ailleurs l'absence de concertation des collectivités sur ce point. Elle demande aux sénateurs, désormais à l'étude de la loi, d'y inscrire « la nécessité d'un maillage pensé avec tous les élus » qui ne passe pas par « une concentration territoriale sur un même site ».
Par conséquent, le sort des directeurs et directrices également inquiète. Qui va assurer le lien de proximité avec les familles et les partenaires? Qui va veiller à la sécurité ? Qui va coordonner les projets au plus près de l'école ? Car le texte crée des différences de traitement entre « adjoints » des EPLESF au statut de chef d’établissement et les directeurs et directrices d’écoles. C'est loin de répondre aux besoins des directeurs d'école sur la reconnaissance et l'alourdissement des tâches.
Enfin l'appellation même interpelle : établissements des « savoirs fondamentaux ». Quid des autres savoirs hors « lire, écrire, compter et respecter autrui » chers au ministre ? L'école de la réussite et de l'épanouissement des élèves est aussi celle de la découverte du monde, en histoire, géographie, sciences, de l'expression artistique et des langues. Tout aussi fondamental !
à côté de ces établissements, la loi prévoit également la création d’établissements publics internationaux (EPLEI), offrant un cursus d’élite aux happy few. Curieuse conception de « l’élévation du niveau général » et de « la justice sociale » proclamées par Jean-Michel Blanquer lors du vote à l’Assemblée.
Non à la loi Blanquer, oui à un autre projet pour l'école
Les syndicats dont le SNUipp-FSU s'adressent donc de manière unitaire aux sénateurs : il est encore temps de retirer cet article ! Des actions unitaires ont été décidées le 19 mars, public et privé unis pour défendre les droits des salariés, salaires, journée de carence, recours aux contractuels... Et le samedi 30 mars pour dire non à la loi Blanquer et oui à un autre projet pour l'école publique.