OZP : lutter contre les inégalités
Mis à jour le 05.12.23
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L’Observatoire des Zones d’éducation Prioritaire (OZP) a tenu sa 24 ème journée avec pour thématique “L’école est-elle un service public ou est-elle au service des publics ?”. Inégalités, mixité et politique de l'éducation prioritaire étaient au programme aux travers des interventions de Louis Maurin, directeur de l’observatoire des inégalités, Choukri Ben Ayed, sociologue et Marc Bablet, membre de l’OZP.
Ne pas saborder l’école
Pour Louis Maurin, directeur de l’observatoire des inégalités, «l’école est confrontée aux inégalités et à la fracture sociale ». Malgré tout, elle conserve son rôle émancipateur avec une évolution massive de l’obtention de diplômes (la part des enfants d’ouvrier·es ayant obtenu un diplôme est passé de 37% dans les années 60 à 58% dans les années 90). La mobilité sociale perdure même si celle-ci n’est plus aux niveaux connus des années 50, 60 et 70. La France est aussi le pays où le décrochage scolaire est le plus faible.
Si le système éducatif français reste inégalitaire - orientation des élèves (85% des élèves de Segpa sont issu·es de catégories socio-professionnelles ouvrière contre 5% de cadre), apprentissage précoce de la lecture, grande place faite aux savoirs académiques, à la mémorisation, à l’évaluation pénalisant les élèves des milieux populaires- le directeur de l’observatoire alerte sur des discours fatalistes sur l’école. « Le système éducatif français est loin d’être le plus mauvais du monde mais à force de le décrier, on alimente la désespérance et on justifie des discours du type “A quoi bon financer l’école si cela ne sert à rien?” ».
La mixité, un levier pour lutter contre les inégalités
Choukri Ben Ayed, sociologue, précise que texte « la France est l’un des pays les plus puissants au monde s’agissant de l’accès à l’école mais compte tenu que l'école est un service public, elle pourrait avoir de meilleurs résultats et participer davantage à la réduction des inégalités ». La publication des IPS* n’a fait que confirmer une situation connue depuis 30 ans: une ségrégation scolaire avec de fortes disparités territoriales en matière d’éducation. Il pointe que l’enseignement privé financé par l’Etat entretient la concurrence avec l’école publique et renforce la ségrégation scolaire, phénomène qui augmente avec le temps. En 2000, les CSP favorisées représentaient 47 % des parents dans le privé, elles sont passées à 54 % en 2020.
Pour ce sociologue, la mixité est un levier pour lutter contre les inégalités mais elle rencontre de nombreuses oppositions. «Quand on laisse la ségrégation s'aggraver cela occasionne peu de malaise, en revanche, quand on touche à la mixité, on porte atteinte à un ordre établi et on observe des réticences de la part des familles, d’une partie de la recherche, des enseignantes et enseignants, des décideurs politiques... ». Le débat sur la mixité scolaire a au moins le mérite de donner à voir les problématiques et lève l’omerta sur l’institution scolaire.
*Indices de position sociale
Une politique d’éducation prioritaire contrariée
Pour Marc Bablet, membre de l’OZP, «la politique d’éducation prioritaire a été fortement contrariée par l’évolution du service public en service au public où les intérêts particuliers sont valorisés au détriment de l’intérêt général ». Depuis 1981, l’EP a connu une succession de politiques différentes : des périodes où les gouvernements ont voulu la rendre plus solide, crédible, efficace et d’autres qui l’ont critiquée et détournée de son objectif premier. Dernièrement le RN prétend en faire une politique d’assimilation des étrangers. Pour l’OZP, rien ne se fera sans les acteurs et actrices de l’EP, sans une réflexion de fond aux travers d’assises académiques et départementales comme cela a eu lieu en 2013.
Une véritable politique d’éducation prioritaire doit aussi, selon lui, être nationale. Mais la ligne du gouvernement est tout autre. Elle prône une « innovation » nécessaire du terrain se fondant sur des projets isolés, loin du côté collectif indispensable. De plus, la nouvelle carte de l’EP devrait être calquée sur celle des quartiers politique de la ville sans analyse ni bilan de l’EP. Une véritable erreur selon Marc Bablet.