Pour la rentrée, une circulaire bien carrée

Mis à jour le 29.05.19

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La circulaire de rentrée publiée au BO ce mercredi 29 mai ne concerne que l’école primaire et martèle à chaque bout de ligne la priorité mise sur le « lire, écrire, compter ». Elle s’accompagne de nouvelles « recommandations » et indications fortes de pratiques pédagogiques notamment pour l’école maternelle qui fait l’objet de trois nouveaux guides sur le langage, la découverte des nombres et les langues vivantes étrangères.

Sans surprise, la circulaire de rentrée reprend les éléments saillants de la politique en cours au ministère (dédoublement, pilotage académique, instruction obligatoire à 3 ans) et consacre encore une fois la priorité nationale à l’enseignement des « fondamentaux » qui se résument aux seuls « Lire, écrire, compter et respecter autrui ». La rédaction finale de la circulaire a finalement concédé un chapitre pour « Cultiver le plaisir d’être ensemble » et un paragraphe pour développer l’éducation artistique et culturelle qui se trouve résumé à l’instauration de chorale partout et à la promotion de la lecture et du livre par la fréquentation des bibliothèques. Voilà une « idée qu’elle est bonne » et à laquelle personne n’avait pensé jusque-là …

La maternelle chamboulée 

C’est bien la maternelle qui constitue la principale cible de cette circulaire. Une maternelle particulièrement revisitée, bien loin des programmes de 2015 qui avaient pourtant recueilli l’unanimité de la communauté éducative lors de leur passage devant le conseil supérieur de l’éducation. Ainsi l’accent est-il mis dès la petite section sur l’apprentissage de mots et l’entraînement à la phonologie avec des recommandations pédagogiques particulièrement précises. Pas moins de trois guides d'accompagnements sont joints à la circulaire. On y trouve surtout une entrée précoce dans des apprentissages normatifs et évalués ce qui constitue une méthode très efficace pour construire de la difficulté scolaire dès le plus jeune âge.
La lecture attentive de ces guides expliquant qu’on doit « éviter d’assoir tous les élèves par terre », ou encore en rappelant aux enseignants et aux enseignantes qu’ils et elles doivent « après une lecture engager les élèves à prendre la parole et …montrer de l’attention pour ce qu’ils disent » (sic), pourra également au mieux, prêter à sourire, ou finir de convaincre la profession sur le niveau de confiance qui lui est accordé.

Lire aussi :

- Le point de vue de Pascale Garnier, sociologue et professeure de sciences de l’éducation

- Le point de vue de Mireille Brigaudiot, maître de conférences en sciences du langage

Les fondamentaux ont leur chapitre

Un chapitre entier est consacré à l’apprentissage des « fondamentaux » visant dans un premier temps à justifier les évaluations CP et CE1 largement décriées à la fois par la profession mais également récemment par un éminent chercheur qui a pu montrer l’imposture du traitement de leurs données.
Et la circulaire va plus loin sur ce sujet en donnant à chaque année scolaire du CP au CM2 des objectifs précis et quantifiés d’apprentissages comme cette étrange norme de « 50 mots lus à la minute en fin de CP ». Voilà de quoi jeter définitivement aux oubliettes des programmes conçus en cycle partant de ce que l’élève sait pour le faire progresser et prenant en compte ses rythmes d’apprentissages.

La mise au pas des pratiques pédagogiques : du pilotage au formatage…

Un chapitre entier est également dévolu au « pilotage en soutien de l’action pédagogique des professeurs », car dit le texte « La mise en œuvre des recommandations pédagogiques et des évaluations nationales nécessite d'accorder une attention toute particulière à l'accompagnement des professeurs, au plus près de leur pratique, afin de répondre à leurs besoins de formation ». Mais après deux ans de pratique des méthodes DRH de la rue de Grenelle on sait malheureusement sur quoi est portée « l’attention particulière ». Loin d’être bienveillante elle repose sur une emprise de plus en plus forte à tous les niveaux hiérarchiques et des injonctions de plus en plus invasives sur les bonnes méthodes pédagogiques à utiliser dans les classes. Ainsi pour la deuxième année consécutive l’ensemble des animations pédagogiques porteront seulement sur les mathématiques et le français. « Des Interventions mises en commun à l’échelle départementale pour plus d’efficience », indique la circulaire. On est bien loin d’une formation continue prenant en compte les besoins et les demandes des professionnels de terrain.

Cette circulaire vient donc confirmer une politique ministérielle à l’œuvre faite, d’injonctions, de guides de bonnes pratiques, d’enseignements resserrés sur des fondamentaux faisant table rase d’un grand nombre de recherches pédagogiques et niant au plus haut point la professionnalité des personnels dans les écoles. Alors bien sûr, la rédaction finale de la circulaire a connu quelques évolutions suite aux remarques faites par le SNUipp-FSU notamment. Ainsi la question de la compréhension en lecture a-t-elle été rajoutées à chaque étape de la scolarité, un chapitre sur « cultiver le plaisir d’être ensemble » a fait son apparition pour laisser une place, peau de chagrin tout de même, à d’autres enseignements.
Des gages accordés du bout des lèvres mais qui ne changent rien à la philosophie générale du texte. C’est pourtant d’une toute autre ambition dont l’école a besoin pour faire face aux défis qui sont les siens. Les mobilisations récentes menées par les personnels et les parents l'ont bien montré. 

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