Contre-vérités et entêtement ministériels
Mis à jour le 14.11.24
min de lecture
Le 31 octobre 2024, le Ministère a publié un communiqué annonçant une "hausse significative du niveau des acquis des élèves" dans les écoles françaises, en s’appuyant sur les évaluations nationales 2024. Cependant, une analyse des données publiées par la DEPP (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance) contredit cette déclaration. Contrairement aux annonces officielles, les résultats des élèves montrent une grande stabilité des compétences, sans réelle progression. Par ailleurs, les inégalités de réussite entre élèves, en fonction de leur secteur de scolarisation, de leur sexe ou de leur appartenance sociale, restent profondes et alarmantes.
Une conception des évaluations sans diversité didactique
Les évaluations nationales sont élaborées chaque année par des IEN , de conseiller·es pédagogiques, de PE, de formateurs et de formatrices, coordonnés par la DEPP. Ces équipes travaillent selon les orientations définies par le CSEN (Conseil scientifique de l’éducation nationale), avec un cadre rigide d’évaluation quantitative.
Celle-ci favorise une approche centrée sur “ce qui peut-être mesuré”. La FSU-SNUipp déplore le manque de pluralité de cette approche : l’absence de didacticien·nes, de chercheurs et de chercheuses externes excluant ainsi des disciplines comme la sociologie des apprentissages et les sciences de l’éducation.
Cette orientation restreint la compréhension de l’impact des politiques éducatives et ne permet pas de saisir la complexité des situations d’apprentissage.
Analyse des résultats : une stabilité et des inégalités qui persistent.
Les résultats de la DEPP pour les niveaux du CP au CM2 mettent en évidence une absence de progrès significatifs :
- CP et CE1 : Depuis 2019, les résultats en français et en mathématiques sont globalement stables. Si une légère progression est observée en mathématiques en CE1, la compétence "écrire des mots dictés" et "comprendre un texte lu seul" est en nette baisse. La FSU-SNUipp souligne que ces faibles variations ne peuvent être qualifiées de hausse significative preuve que les politiques éducatives mises en place ne parviennent ni à élever le niveau global ni à réduire les inégalités scolaires.
- Inégalités selon le sexe : Les filles restent globalement plus performantes que les garçons en français du CP au CM2, tandis que les garçons dominent les compétences en mathématiques à partir du CE1, avec des écarts de performance atteignant jusqu’à 19,1 points en CM2 pour la mémorisation de procédures. Ces disparités n’ont pas évolué malgré les plans successifs.
- Inégalités selon le secteur d'enseignement : Les élèves scolarisé•es en REP et REP+ continuent de montrer des performances inférieures à celles des élèves des écoles publiques hors éducation prioritaire et des écoles privées, en particulier en français et en résolution de problèmes en mathématiques. Par exemple, en CP, les écarts de compréhension en français atteignent jusqu’à 32 points entre les élèves de REP+ et ceux du public hors REP. En mathématiques, les inégalités sont tout aussi préoccupantes, notamment sur la résolution de problèmes, compétence pour laquelle les écarts sont parmi les plus marqués.
Les limites des "fondamentaux" et des pratiques d’évaluation actuelles
Malgré les efforts du Ministère pour mettre l’accent sur les "fondamentaux" (lecture, écriture, calcul), la FSU-SNUipp constate que cette focalisation ne répond pas aux besoins des élèves les plus en difficulté et ne réduit pas les écarts de réussite. En particulier, l’approche intensive de la fluence en lecture n’a pas produit d’effet notable sur la compréhension des textes, ce qui confirme les limites de cette méthode.
Quelles évaluations pour mieux accompagner les progrès des élèves ?
En matière d’évaluation, la conférence de consensus du CNESCO en novembre 2022 a rappelé l’importance des évaluations informelles et non normatives, adaptées aux besoins des élèves et intégrées au quotidien scolaire. Des pratiques d’évaluation plus souples et diversifiées sont préconisées, pour que les enseignants et enseignantes puissent accompagner les progrès des élèves sans générer de stigmatisation dès les premières étapes de la scolarité.
Pour la FSU-SNUipp, l’analyse des résultats 2024 des évaluations nationales souligne une fois encore les limites de la politique menée depuis 2017. L’obsession des "fondamentaux" et l’absence de diversité dans les approches pédagogiques et évaluatives ne permettent ni de faire progresser significativement le niveau des élèves ni de réduire les inégalités persistantes. La FSU-SNUipp demande au Ministère d’arrêter sa désinformation et appelle à une refonte des politiques éducatives en faveur d’une évaluation plus juste, inclusive et bénéfique pour tous les élèves et à l’arrêt de ces évaluations nationales obligatoires.